Adèle K auteure

Un Noël qui a du chien chap 1 et 2

Chapitre 1

Marie

Marie verrouilla sa caisse et quitta la patinoire Wollman située à Central Park. La nuit avait remplacé le jour depuis un moment et en ce début décembre, il neigeait sur la grande Pomme et les allées glissaient. Les illuminations de Noël accrochées un peu partout, donnaient une autre ambiance à la ville qui ne dort jamais et la jeune femme adorait les observer.

Elle habitait de l’autre côté du parc, dans l’une des immenses tours qui entouraient le poumon de la ville. L’appartement qu’elle occupait bien que petit, lui appartenait. Elle l’avait acheté avec l’argent de son divorce survenu deux ans auparavant.

Française, elle avait rencontré Jefferson sur la toile et de conversation en conversation, ils étaient tombés amoureux. Elle avait vingt ans à l’époque, lui trente. Dix ans d’écart, mais l’amour n’a pas d’âge. Par trois fois, il lui avait rendu visite à Paris et ils avaient eu du mal à se quitter si bien que Jeff lui avait proposé d’emménager à New-york et éprise de lui, elle l’avait alors suivi sans réfléchir. Que pouvait-il lui arriver de mal de toute façon ?

Leur mariage avait duré six années où ils avaient baigné dans le bonheur enfin, tout du moins les trois premières années. Fier d’elle, Jefferson avait adoré se pavaner à son bras et l’avait présentée à tous ses amis aussi guindés que lui comme étant la femme de sa vie. Marie était une très jolie jeune femme, il le savait. Mais c’était au début. Victime d’une thyroïde capricieuse, Marie avait commencé à accumuler les kilos au désespoir de son époux. Verdict : Jeff s’était peu à peu éloigné d’elle, la trouvant moins attrayante… trop pulpeuse à son goût.

Malgré les nombreux ajustements pour régler ce dysfonctionnement, elle n’avait jamais retrouvé sa silhouette d’antan, Jefferson ne l’avait pas supporté et l’avait quittée. Quel connard ! Marie, elle n’avait pas le choix, l’amour se disait-elle, ne se mesurait pas au kilo, n’est-ce pas ? Comme elle s’était trompée !

Plutôt que de rentrer à Paris, elle s’était battue bec et ongles pour obtenir une rente mensuelle et la moitié de ses biens. Eh oui, elle avait trouvé un avocat très pointilleux spécialisé en divorces qui avait fait des merveilles. Son avocat l’avait plumé, enfin plumé est un grand mot, disons que Jefferson avait payé pour toutes les bassesses qu’elle avait subies. Pas qu’elle était vénale, loin de là, seulement son ex-mari l’avait tellement humiliée en la quittant parce que son corps avait changé que ce n’était que justice.

Avec précaution, Marie traversa les allées. Elle marcha dans la poudreuse qui crissa sous les semelles de ses bottes fourrées. Au croisement, un léger glapissement l’interpella. Elle se stoppa, regarda autour d’elle et découvrit, couché contre un arbre, essayant tant bien que mal de se protéger du froid, un mignon petit chien.

— Salut toi, s’adressa-t-elle à lui en s’accroupissant, un sourire fleurissant sur ses lèvres gercées à cause du froid de ce début d’hiver.

Elle retira son gant et tendit la main qu’elle plaça devant la truffe de l’animal. Il s’approcha avec beaucoup de précautions, sentit son odeur et se redressa en position assise. Avec prudence, Marie, ne le voyant pas agressif, caressa le dessous de sa tête. Le chien avança vers elle, se souleva sur ses deux pattes arrière et lui lécha une partie du visage. Elle rigola et, sous ses assauts, perdit l’équilibre et se retrouva les fesses dans la neige.

— Doucement, doucement mon beau, souligna-t-elle.

Il cessa ses pitreries et la fixa. Au fond de ses prunelles, elle distingua une lueur d’espoir et son cœur se serra. Si elle laissait ce petit dehors, il mourrait d’hypothermie. Elle se redressa, l’emportant avec elle. Elle le cala contre sa poitrine et reprit son chemin. Au creux de ses bras, il tremblait de froid. Elle dézippa sa doudoune et le glissa à l’intérieur, seule sa tête dépassait. Elle le trouvait vraiment adorable avec son poil tout blanc et sa tache noire qui entourait son cou lui donnant l’air qu’il portait un foulard, sans compter celle entourant son œil droit. Elle l’appellerait Bandit.

Aussitôt la porte de chez elle refermée, elle déposa Bandit sur le sol, se débarrassa de son manteau et de son accoutrement hivernal et se rendit à la cuisine, l’animal sur ses talons. Elle ouvrit plusieurs armoires avant de tomber sur ce qu’elle cherchait. Une boîte de thon.

— J’espère que tu vas aimer parce que mon mignon, je n’ai que ça.

Le chien glapit et appuya ses pattes sur les meubles.

— Oh non, non, non petit impatient. Ça, c’est non, c’est entendu ? Interdit de griffer le mobilier ! pesta-t-elle en le repoussant de son pied.

Comme s’il comprenait, il cessa tout mouvement et s’asseya en la regardant, la tête sur le côté, l’air interrogateur.

— C’est bien, bon chien, le félicita-t-elle.

Marie émietta le thon avec une fourchette et versa le tout dans une assiette qu’elle mit sur le sol dans un coin de la cuisine.

— Allez Bandit, viens manger.

Il ne se le fit pas dire deux fois et bondit sur la gamelle, s’empressant d’avaler sa pitance sans en laisser une bouchée. Il lécha la porcelaine jusqu’à la dernière goutte de jus et reprit la position assise en la regardant d’un air mélancolique.

— Tu as certainement soif, non ?

Elle lui servit un bol d’eau qu’il lapa. Lorsqu’il en eut assez, il se décala et ses petits poils trempés gouttèrent sur le carrelage.

— Bon, on ne peut pas dire que tu saches boire proprement toi.

Elle lui offrit quelques caresses avant de s’occuper de son dîner. Rien de bien copieux. Un bol de soupe qu’elle réchauffa dans le micro-ondes, une pomme et un yaourt. Elle amena le tout jusqu’à la table et mangea en prenant son temps, Bandit couché à ses pieds.

Avant de traîner sur internet, elle confectionna, à l’aide d’un vieux drap, un cocon pour son nouveau compagnon, qui, docile s’y allongea. Adorable, pensa-t-elle. Maintenant libre, elle prit son ordinateur et regarda sur les nombreux sites si quelqu’un avait perdu un chien qui répondait à son allure. Malheureusement, elle fit chou blanc. Personne pour le moment ne recherchait Bandit.

— Petit cœur, tu dois bien avoir une famille non ? Un chien aussi mignon que toi ! D’ailleurs je me demande, tu es de quelle race mon beau ? Si ça se trouve, je crois dur comme fer que t’es un gars parce que tu as un air de caïd, mais tu es peut-être une fifille, précisa-t-elle en se levant pour vérifier.

Elle se baissa et l’animal se mit sur le dos, les pattes de devant pliées sur sa poitrine constellée de taches marron. Elle rigola une fois encore à le voir si doux. Son regard descendit et elle découvrit qu’elle avait bien à faire à un garçon.

— Eh bien voilà, je peux donc continuer à t’appeler Bandit, lui expliqua-t-elle en lui touchant le ventre.

Elle le caressa un moment et les babines du chien se retroussèrent lui donnant l’impression qu’il lui souriait et en retour elle lui offrit un rictus.

— Allez Bandit, c’est tout pour aujourd’hui. Je vais me coucher et toi, tu restes bien sage d’accord ? Pas de bêtises.

Elle éteignit les lumières et se rendit à la salle de bains. Elle se déshabilla et comme chaque soir monta sur la balance. Le chiffre affiché ne bougeait certes plus depuis des mois, mais Marie souhaitait plus que tout perdre ses vingt kilos accumulés en une année. Cette thyroïde lui avait tout pris. Son mariage, ses magnifiques cheveux qui dorénavant si fins lui donnaient l’impression que bientôt on apercevrait son crâne. Sans compter les phases dépressives, la fatigue, la frilosité… bref que des joyeusetés, mais le pire restait cette importante prise de poids.

Marie ne supportait plus de voir son corps devenu selon elle disgracieux. Elle évitait de se regarder dans le miroir dorénavant. Elle exécrait son ventre qu’elle trouvait gras, de même que ses cuisses. Pourtant, son IMC indiquait un surpoids rien de bien dramatique en soi sauf si comme elle, la minceur avait toujours fait partie de sa vie. Avant ses problèmes, elle pesait soixante-sept kilos pour un mètre soixante-douze, maintenant elle approchait les quatre-vingt-dix et elle se détestait.

Dépitée et les larmes au bord des yeux, elle entra sous la douche et savonna ce corps dans lequel elle ne se sentait plus bien.

Peut-être que si Jefferson ne l’avait pas quittée et aimée telle qu’elle était devenue, elle supporterait son apparence. Seulement, Jeff, lui avait dit que toucher ses bourrelets le rebutait et que c’en était de même pour tous les hommes. Depuis sa confiance en elle était mise à mal et elle désespérait de trouver l’amour. Qui voudrait d’elle et de ses horribles rondeurs ? Personne !

Elle ferma le robinet et se sécha. Elle coiffa ses cheveux en prenant soin de ne pas les agresser avec son peigne, puis elle enfila un pyjama et se faufila sous la couette. Fatiguée par sa journée, elle s’endormit et Bandit resta sagement dans son panier.

 

Chapitre 2

Max

Harassé par sa journée de travail, Max bâilla tout en verrouillant son cabinet dentaire. Il se dirigea ensuite vers son véhicule qu’il ouvrit à distance. Avant d’entrer pleinement, il balança sa besace sur le siège passager et glissa sa carcasse dans l’habitacle. Il démarra le moteur et poussa le chauffage à fond.

— Bon sang qu’il fait froid ! s’exclama-t-il en soufflant sur ses mains afin de les réchauffer.

Max n’aimait pas l’hiver et encore moins Noël, surtout depuis son divorce. Il avait quitté sa femme trois ans plus tôt à cette période, car il l’avait trouvée au lit avec un autre homme. Quelle claque il s’était prise ce jour-là ! Lui qui pensait qu’ils finiraient leur vie ensemble, entourés de gamins, il s’était bien planté. Ils avaient tout de même eu une petite fille, Alice, huit ans, une petite brune aux prunelles bleues, similaire aux siennes. Bug comme il se plaisait à l’appeler depuis qu’elle avait du haut de ses trois ans créé un bug sur son ordinateur en tapant sur toutes les touches alors qu’elle était assise sur lui. Sa petite puce avait beaucoup de mal avec leur séparation.

Avec Amber, ils avaient établi une garde partagée pour le bien d’Alice, mais il se pourrait bien qu’il s’était planté car Alice n’aimait pas rester avec sa mère, surtout depuis que Jeff son nouveau petit ami avait emménagé.

Son téléphone sonna avant qu’il n’engage la berline dans la circulation. Il répondit en soupirant. Que lui voulait-elle encore ?

— Amber ! La salua-t-il avec lassitude.

— Papa, pleura Alice.

Son sang se glaça. Il détestait la savoir malheureuse.

— Tino… il… il est parti, parvint-elle à lui expliquer.

— Comment ça parti ? Alice, calme-toi, ma chérie. Une inspiration, une expiration.

Il l’accompagna dans l’exercice et peu à peu Alice reprit le contrôle de ses émotions.

— Mama l’a laissé s’enfuir. Elle… n’a pas fermé la porte et Tino en a profité.

Bordel ! C’était la cata ! Tino représentait tellement plus qu’un simple chien pour Alice. Il était son meilleur ami. Ils s’adoraient. Amber et lui, d’un commun accord, lui avaient offert sous les conseils du psychologue qui suivait la fillette depuis leur divorce. Elle se sentait seule et leur situation n’arrangeait pas son état mental. Ils avaient alors adopté un chiot, un Jack Russel âgé d’un an à ce jour. Depuis que Tino était entré dans leur vie, Alice avait retrouvé le sourire et allait un peu mieux. Elle adorait le petit animal et il le lui rendait bien. Câlins et léchouilles à foison dès que la fillette rentrait de l’école. Tino vivait au rythme des gardes d’Alice, si elle était chez sa mère, il y allait et inversement quand c’était son tour.

Seule ombre au tableau, Amber détestait ce chien. Chaque fois que c’était sa semaine de garde, elle tentait de lui laisser Tino, mais Alice ne l’entendait pas de cette oreille. Sans son fidèle compagnon, elle n’acceptait pas de partir avec sa mère alors Amber cédait, mais jusqu’à quand ?

— Vous l’avez cherché ?

— Non, maman elle ne veut pas, elle dit que c’est une sale bestiole et que c’est tant mieux s’il s’est enfui.

Ses larmes reprirent le dessus et elle hoqueta de douleur. La poitrine de Max se comprima. Il aurait aimé être avec Alice pour la réconforter et chercher Tino avec elle. Il pourrait très bien se rendre chez Amber mais il savait qu’elle ne l’autoriserait pas à voir leur fille. C’était déjà un miracle qu’elle la laisse le joindre.

— Mais, que fais-tu avec mon téléphone Alice ? s’écria alors son ex-femme.

— J’ai appelé papa, expliqua-t-elle. Je lui ai dit que… que Tino s’était enfui à cause de toi.

— Tu n’as pas à contacter ton père sans ma permission Alice ! Et pour ce qui est de ton stupide chien, nous verrons ça demain. Au lit ! hurla Amber tout en raccrochant.

Max quitta sa place de parking et se dirigea vers Hudson Square. Quarante minutes plus tard, il atteignit la maison. Amber occupait le rez-de-chaussée de cette jolie bâtisse aux volets gris et elle louait le second et troisième étage qui ne lui servaient pas. Il se gara le long du trottoir, descendit de voiture et alla sonner chez son ex-femme. Elle mit pas loin de cinq minutes avant de daigner lui ouvrir la porte.

— Quoi Max ? asséna-t-elle en le découvrant.

— Je veux voir Alice, lui ordonna-t-il d’un ton sec.

— Elle dort ! claqua-t-elle. Et ce n’est pas ta semaine. Elle n’aurait jamais dû t’appeler.

— Elle est triste et inquiète pour Tino, Amber. Tu l’as consolée au moins ?

— Évidemment ! Je ne suis pas la garce sans cœur que tu prétends que je suis !

— Je ne prétends rien ! J’observe, ajouta-t-il.

— Eh bien, si tu observais vraiment bien, tu aurais percuté que cet imbécile de chien ne lui apporte rien. Cependant, il me fait chier et j’espère bien qu’il ne reviendra jamais, termina-t-elle en lui claquant la porte au nez.

Impuissant, il tourna les talons bien malgré lui. Il savait qu’il n’obtiendrait rien de plus. Elle lui en voulait encore pour le divorce, car il ne lui avait cédé que le nécessaire. Avant leur mariage, il avait établi, sur les conseils d’un ami qui n’avait pas eu une bonne expérience, un contrat pour s’assurer que l’intégralité de sa fortune reste sur son compte. Amber n’avait pas apprécié cette démarche, d’ailleurs elle avait tenté à plusieurs reprises au cours des derniers mois de leur union de le faire changer. Même s’il avait trouvé cela bizarre, il l’avait envisagé. Heureusement que le comportement versatile voire sournois de son ex avait freiné cette envie de lui faire plaisir. Finalement, il n’avait pas été méchant au point de la laisser sans le moindre sou, il avait acheté la maison dans laquelle elle vivait et elle touchait les loyers. Il avait agi ainsi pour sa fille, pas pour Amber pour laquelle il n’avait plus aucune estime.

De retour dans sa voiture, il conduisit jusqu’à Greenwich où il habitait. Chez lui, il réchauffa l’un des plats que le traiteur lui avait livrés en début de semaine et le mangea tout en créant des affiches de recherche pour Tino. Il n’allait pas abandonner son chien. Alice retrouverait le sourire. Il espérait bien que Tino soit rentré pour Noël. Il lui restait un tout petit mois.

 

Si ce début t'a plu cher lecteur sâche que la suite est disponible ici  ou ici

 

 

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