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Purple Maple chap 1 à 4
Prologue
Brian
Je pénètre dans la patinoire bondée. Quelle foule pour ne pas changer ! Le patinage artistique attire le monde, les Canadiens adorent cette discipline autant que le hockey. Je me faufile parmi les spectateurs qui essaient de trouver une place dans les gradins. J'avance en levant la tête, cherchant mes amis déjà installés. Après quelques minutes de galère, je les aperçois enfin, tout en haut pour ne pas modifier les habitudes. Je grimpe les marches deux par deux et arrive à leur hauteur.
— Hé Brian, je t’ai gardé une place juste là… pointe de son doigt Faith la petite brune aux yeux de biche, un immense sourire sur les lèvres.
Je salue son mari, Camden, star du hockey, mon meilleur pote, assis à sa droite puis enlace la future maman qui attend des jumeaux pour avril, encore trois mois à patienter. Peut-être moins si, et ce sera sûrement le cas, Faith accouche prématurément. Je n’en reviens toujours pas que mon pote va se retrouver père de deux bébés dans peu de temps.
— Reste assise, lui ordonné-je tandis qu’elle tente de se redresser.
Je dépose une bise sur sa joue, tape dans la main de Devin mon pote aux cheveux hirsutes et au teint mat, puis embrasse Bree sa petite amie, blonde aux yeux bleus. Notre équipe est au complet pour soutenir ma patineuse qui a décidé de revenir à son premier amour, le patinage artistique en couple. Elle le pratique avec Asher Gille. Ensemble, ils ont participé à de nombreuses compétitions et se sont fait remarquer. Elle consacre tout son temps à cette discipline. Elle a décidé d’arrêter l’école après l’obtention de son diplôme au lycée.
Un quart d’heure après mon arrivée tardive, merci les cours universitaires, l’éclairage faiblit et les premiers patineurs entrent sur la glace. Nous assistons comme souvent à un merveilleux spectacle, enfin, à condition d’aimer cette discipline. Pour ma part, avant de rencontrer Kim, je dois avouer que je n’y connaissais pas grand-chose, mais j’ai appris les bases, les sauts et parfois ils nous arrivent de patiner ensemble. J’ai l’air gauche, mais on s’amuse...
Les athlètes se succèdent, présentant chacun leur programme et le public loue leur prestation en les applaudissant comme ils le méritent. Après l’entracte d’une durée de trente minutes, le show reprend.
Kim et Asher entrent sur la piste après le passage d’une jeune fille prometteuse. Ma beauté aux yeux verts et au sourire solaire illumine la piste, elle porte une magnifique petite robe qui flotte autour de ses cuisses et épouse à merveille le haut de son corps dans un camaïeu de bleu et de paillettes qui luisent sous les projecteurs. Elle a dompté sa crinière frisée en un parfait chignon retenu par de multiples épingles à cheveux, elle rayonne et éclipse tout le monde, mais je ne suis pas objectif. Je l’aime à en crever et ce depuis maintenant près de trois ans.
Alors que la musique s’élève dans les enceintes, le duo commence à s’animer sur la glace. Avec la grâce qui les caractérise, ils nous offrent une prestation à couper le souffle. Ils excellent dans leur discipline et ont toutes les chances d’atteindre le niveau qu’ils visent. Je crois dur comme fer qu’ils deviendront les patineurs favoris de toutes les provinces canadiennes. J’avoue avoir éprouvé des difficultés au début lorsque Asher posait les mains sur elle… difficile de voir un autre mec poser les pattes sur sa copine, mais comme Asher est lui-même en couple, j’avoue que ce fait m’a quelque peu rassuré.
Le silence règne dans le complexe, les regards étincellent et les bouches s’ouvrent dans des exclamations de stupeur et d’étonnement à chaque nouvelle figure réussie avec brio.
Kim entame une succession de pas sur lesquels s’aligne son partenaire, puis ils sautent. J’ai encore beaucoup de mal à les reconnaître malgré ses nombreuses explications. Pour moi, novice, ils se ressemblent tous. Si Kim m’entendait, je passerais un sale quart d’heure…
Je ne la quitte pas du regard, comme les spectateurs, mes yeux sont cloués sur elle et sa prestation.
Saut, elle tournoie dans les airs et….
— Kim ! crié-je, avant qu’elle ne s’effondre sur le sol… Kimmmmm !
Des cris de surprise des spectateurs s’élèvent immédiatement.
Tel un ressort, je suis sur mes pieds en un quart de seconde. Je passe devant Faith et Camden que j’ignore et descends les marches qui me séparent de la piste avec une rapidité affolante. Je cours ensuite comme un dératé vers le lieu où elle a chuté. Elle ne s’est toujours pas relevée et les secouristes se ruent sur la glace. Asher est accroupi à ses côtés, il lui parle, mais de là où je me trouve, impossible de savoir ce qu’il lui dit. Parvenu à l’endroit de l’accident, j’agrippe le montant et me penche.
— Kim ? Sunshine ?
Elle se redresse péniblement, se tenant la tête à deux mains. À travers ses doigts écartés, je perçois un filet de sang qui ruisselle le long de sa main. Mes yeux se portent sur l'étendue gelée où une tache vermillon colore celle-ci. Mon rythme cardiaque s’affole. Kim est blessée ! Putain, non !
Les secouristes parviennent enfin jusqu’à elle. Ils demandent à Asher de se reculer et l’un d’eux s’occupe d’elle. Il se baisse et tentent d’y voir quelque chose en décollant sa main de son crâne…
— C’est ouvert, annonce l’un des secouristes à son collègue qui lui délace l’un des patins.
Ma beauté grimace de douleur.
De pis en pis… je découvre sa cheville qui paraît enflée. Le deuxième patin retiré, ils l’installent sur la civière qu’un autre groupe a apportée, puis ils l’évacuent vers la sortie. Je reprends ma course folle autour de la patinoire et la rejoins.
Elle se trouve dans le couloir qui mène aux vestiaires, le teint blafard et des larmes coulant sur ses joues. À ce stade je n'arrive pas à déterminer si elle pleure de souffrance ou parce qu’elle sait que la qualification pour les plus grandes compétitions demeure dorénavant incertaine !
— Kim, l'appelé-je en parvenant à sa hauteur. Sunshine.
— Brian, gémit-elle.
— Je suis là, ça va aller. Ça va aller Kim, répété-je.
Qui j’essaye de convaincre ? Elle ou moi ? Nous ne restons pas longtemps dans ce couloir, dès que l’ambulance débarque, Kim est transportée à l’hôpital de Vancouver pour subir des examens et c’est le cœur en miettes que je la suis.
Chapitre 1
Kim, quatre semaines plus tard.
BIP BIP BIP…
Je me redresse péniblement et avise le réveil qui affiche cinq heures… j’appuie sur le bouton pour éteindre ce maudit son. Je jette un œil sur Brian qui dort à poings fermés, ouf, je ne l’ai pas réveillé, c’est déjà ça. La veille, il a révisé tardivement pour un examen qu’il ne doit absolument pas rater. Moi, je dois impérativement sortir mes fesses du lit si je ne veux pas me retrouver en retard pour mon retour sur la glace. Après trois semaines de soin et de rééducation à cause de cette entorse de la cheville qui, je l’espère, ne me causera pas de soucis, je peux y retourner. Les kinés sont formels, je suis prête à reprendre doucement les entraînements.
Doucement, voilà mot d’ordre, excepté que dans un mois à lieu un championnat très important pour lequel Asher et moi sommes qualifiés. Je ne peux résolument pas me reposer sur mes lauriers et le mot doucement est à bannir de mon vocabulaire.
Je m’empare de mes affaires, quitte la chambre sur la pointe des pieds, évitant de marcher sur la lame de parquet qui couine à chacun de nos passages. Après une douche fraîche qui achève de me réveiller, je bois un café, attrape mon sac de sport non sans avoir vérifié la présence de mes patins et file à la voiture.
Musique et chauffage à fond, moteur qui gronde, sourire aux lèvres et bonne humeur, c’est parti, madame Lika Pavlova et monsieur Asher Gille me revoilà.
Cinq heures quarante-cinq, je me gare sur le parking de la patinoire désert à cette heure-ci. Il n’y a qu’une seule voiture, celle de Lika. Étonnant ! Où est garée celle de Asher ? Je quitte l’habitacle, soulève mon sac que je porte à l’épaule et guillerette, je chemine jusqu’à l’entrée du complexe. Les portes à peine franchies, mon entraîneuse m’accueille avec une tasse de café qu’elle me tend.
— Bonjour Kim, bon retour parmi nous, me salue-t-elle de son accent russe encore très prononcé malgré ses années passées au Canada.
Je me dépêche d’avaler le breuvage, jette le gobelet vide dans la poubelle à côté du distributeur et la suis jusqu’au vestiaire. Elle s’assoit sur un banc la mine sombre, des alertes se mettent à sonner dans ma tête. Cet air qu’elle arbore ne me dit rien qui vaille. Merde, que va-t-il encore me tomber sur la tronche ?
— Kim, les nouvelles sont mauvaises. Asher a décidé de nous quitter.
— Quoi ? m’écrié-je. Mais pourquoi ?
— Durant ton absence il s’est entraîné avec Miranda et il se sent plus à l’aise avec elle et surtout, il voulait garder son niveau. Je suis désolée.
— C’est pas vrai Lika. C’est un cauchemar ! Et le championnat ? Je ne peux pas concourir sans partenaire ! Et lui, comment il va s’organiser ?
— Tu n’auras pas d’autre choix que d’attendre l’an prochain Kimberly. Je suis navrée.
Navrée, elle est navrée ! Mais merde… mes rêves d’être repérée par le comité canadien et d’intégrer l’équipe nationale s’envole à l’instant à cause de ce connard égoïste de Asher. Je suis écœurée. Je ne parviendrai jamais aux objectifs que je me suis fixés, jamais. Sans compter que maintenant, je dois me trouver un nouveau partenaire avec qui je m’entends bien. C’est la poisse. Blessure de merde !
Je travaille comme une forcenée depuis des années pour être parmi les meilleures et je touchais mon objectif du bout des doigts et cet idiot de Asher me lâche comme une vieille chaussette puante. Il aurait pu s’en rendre compte avant que je ne lui correspondais soit disant pas. Connard d’égoïste !
— J’ai quelques partenaires en vue. Jeremy Fisher va arriver d’une minute à l’autre, commence à t’échauffer et ensuite nous verrons ce que donne votre duo.
Jeremy Fisher… elle n’est pas sérieuse ? Impossible que nous arrivions à patiner ensemble, nous ne nous sommes jamais entendus à l’école, c’est un gros prétentieux et je le hais. Je suis étonnée qu’il ait accepté cet essai d’ailleurs. Il doit vraiment être désespéré. Lika se lève et quitte les vestiaires me laissant seule. Ma journée s’annonce cauchemardesque.
Je me prépare et avant d’enfiler mes patins, je m’échauffe comme me l’a demandé ma coach. Je mets l’accent sur la cheville droite que je travaille plus que d’habitude, puis mes genoux, le haut du corps, je saute plusieurs fois et pour le moment tout va bien. Croisons les doigts pour que ça continue ainsi.
Chaussée maintenant de mes patins, je quitte les vestiaires. Lika, accompagnée du fameux Jeremy, blond avec des petits yeux bleus et une carrure plutôt svelte, m’attendent devant les gradins. Je les rejoins, salue d’un œil torve mon partenaire avec lequel ça ne matchera pas et je retire les protections de mes lames.
Je m’élance sur la piste sans attendre Jeremy, mes patins glissent, laissant dans leur sillage leur passage, créant un joli tracé sur cette glace toute lisse. Les premiers d’une longue série.
Après quelques tours d’échauffement et une cheville qui me fiche la paix, j’accentue la difficulté en me tenant sur une jambe. Tout va bien, pas de douleur. Dans la même position, je tournoie, entreprends un saut, petit pincement à la réception, mince, il ne va pas falloir forcer. Remarque, avec ces affreuses nouvelles, j’ai le temps de me requinquer.
— Kim, viens là, me hèle Lika aux yeux de lynx.
C’est fou, rien ne lui échappe.
Contre mauvaise fortune bon cœur, je finis par l’écouter et la rejoins en quelques coups de patins.
— À combien estimes-tu la douleur ?
— C’est juste un pincement. On peut faire l’essai avec lui, dis-je en pointant Jeremy qui patine à reculons.
— Tu es sûre ? J’ai un doute. Montre-moi quand même, m’invite-t-elle.
Sans tergiverser, ça ne servirait à rien, la poitrine en miettes et les larmes au bord des yeux, j’obéis. Dans le vestiaire, je libère mes pieds et remarque que ma cheville sous l’effort a enflé. Merde ! Quelle poisse bon sang ! Lika me lance un regard pointu et grimace. J’essuie les lames de mes patins avec rage avant de les claquer dans mon sac de sport. Je remets mes baskets et rejoins en boitant l’entraîneuse qui m’attend à l’entrée avec Jeremy qui me regarde d’un air mauvais. Bah quoi ? Qu’est-ce qu’il me veut le pingouin ?
— Rentre chez toi, glace cette cheville et reprends la rééducation, remets-toi correctement, pendant ce temps, je vais poursuivre mes recherches, m’indique Lika.
— Et moi, je fais quoi en attendant ? nous demande Jeremy.
— La même chose, cinglé-je. Trouve-toi quelqu’un, mais ne compte pas sur moi !
Je ne sais pas à quoi pensait Lika en lui demandant de patiner avec moi.
— Entre nous, toi et moi ça ne le fera pas, poursuivis-je.
— Tu sais, ce n’est pas parce que tu ne me supportes pas en dehors de la glace que je serai un piètre partenaire Kimberly !
— Il a raison Kim, parfois nous pouvons avoir de grosses surprises.
Je ris jaune. Ce mec m’insupporte, je ne vois pas comment je pourrais être sa partenaire. De lassitude je passe une main sur mon visage.
— Personne n’a envie de perdre son temps, donc cherche-toi quelqu’un d’autre parce qu’il est hors de question que je patine avec toi et que je t’accorde toute ma confiance.
— Kim, râle Lika.
— Lika, je t’adore, mais je sais qu’entre nous ça n’ira pas. Je n’ai pas confiance en lui, la rabroué-je avant qu’elle argumente.
— La prochaine fois je te consulterai avant de déranger les gens, s’écrie-t-elle.
— Exactement. Bonne idée ! crié-je en tournant les talons, ignorant sa colère.
Zut à la fin, j’ai le droit de décider. C’est quand même moi qui vais me retrouver dans les airs, ou au bout de son bras et si nous ne nous entendons pas, impossible que je lui accorde une telle confiance, c’est beaucoup trop dangereux.
Le cœur déchiré et dépitée par tant de mauvaises nouvelles, je quitte la patinoire et regagne ma voiture dans laquelle je balance mon sac qui rebondit sur la banquette arrière pour retomber sur le plancher. Rien à foutre ! Je le laisse là et m’engouffre dans l’habitacle, claquant la porte derrière moi. Huit heures… je n’ai patiné qu’une demi-heure… c’est tout ce que cette cheville fragilisée m’a accordé… trente minutes, rien de plus, mais suffisant pour que j’y crois.
Je démarre le moteur et rentre chez Brian. Sa maison se situe à cinq minutes en voiture de la patinoire. Je vis chez lui la majeure partie du temps. La faible distance me permet de me lever un peu plus tard. Une aubaine pour moi. De plus, ses parents sont constamment absents, nous disposons de la maison dans laquelle je me sens comme chez moi. D’ailleurs, Brian se plaît souvent, un peu trop au demeurant, à dire que c’est notre chez nous. Je garde les pieds sur terre, car je sais que cette maison ne nous appartient pas, bien que ses parents ne nous aient jamais montré le contraire. Lorsqu’ils nous honorent de leur présence, ils font comme si c’était eux les invités. C’est étrange et malaisant. Heureusement, ils ne s’attardent jamais à Vancouver.
À peine rentrée, je prends de la glace et m’affale sur le canapé. Brian est déjà parti à l’université et je sens que ma journée va s’éterniser. J’en ai marre de regarder des séries, d’ailleurs, j’ai déjà visionné toutes celles qui m’intéressaient. Alors je sors mes crayons et m’adonne à ma seconde passion le dessin. En fin d’après-midi, Brian montre enfin sa frimousse. Je me rue dans ses bras sans lui laisser le temps d’ôter sa veste. Il m’enlace en retour et je resserre mon étreinte, posant ma tête sur son cœur dont le battement si familier apaise mes maux.
— Asher a décidé de patiner avec une autre, lâché-je contre sa poitrine, les yeux brouillés par les larmes.
— Je suis désolé Sunshine, murmure-t-il. Je sais le sacrifice qu’a demandé cette préparation et je ne comprends pas la décision d’Asher. Je n’ai pas les mots... pardon.
— Je suis dégoûtée Brian… tu n’imagines pas à quel point… parvins-je à rétorquer, peinant à masquer ma tristesse. Je n’ai même pas encore informé mes parents. Ils seront autant déçus que moi.
— Déçus oui, comme nous… mais ils continueront à t’encourager, me rassure-t-il.
— Je le sais, réponds-je en ébauchant un sourire. Alors… ta journée ? lui demandé-je en m’écartant, lui laissant enfin l’opportunité d’ôter sa veste et surtout de me changer les idées.
— Étonnante… je ne sais pas comment t’annoncer ça après cette mauvaise nouvelle, m’indique-t-il.
— C’est grave ? demandé-je
— Absolument pas, c’est plutôt une bonne nouvelle Sunshine.
— Eh bien, alors dis-moi !
— J’ai obtenu de très bonnes notes aux examens. Je suis super heureux. Le coach m’a félicité d’ailleurs.
— C’est génial Boo. Tu es récompensé après ces heures passées à réviser.
Nous rivons notre regard l’un à l’autre et nos bouches se rejoignent avec empressement, Brian me dévore les lèvres. Avec autant d’avidité, nos langues se taquinent et bientôt Brian me soulève et m’emmène jusqu’à la cuisine où il me pose sur le plan de travail. Ses mains se perdent dans mes cheveux, ses lèvres dans mon cou tandis que j’essaie de lui retirer son tee-shirt. Il abandonne ma nuque pour se débarrasser du tissu et reprend où il s’était arrêté, m’excitant. Il finit par me porter et m’emmène à l’étage.
(Note de l’auteure : Boo = chéri.)
Chapitre 2
Brian
Quinze jours viennent de s’écouler et Kim n’a toujours pas remis un patin sur la glace. Chaque fois qu’elle s’essaie à sauter sur un trampoline avec les kinés, la douleur revient. Aucun d’eux ne comprend ce retournement de situation. D’après le staff médical, sa blessure était guérie, d’où leur permission de reprendre l’entraînement. Même les cabrioles sur terre offraient l’espoir que tout allait bien.
Maintenant, ils pensent que Kim a ravalé la souffrance pour pouvoir assister au championnat. Possible ! J’avoue ne pas oser la questionner à ce sujet, surtout à l’heure actuelle où l'énervement et la tristesse lui collent aux basques. Démuni devant la situation, je ne sais pas comment lui parler ni la rassurer. Quelle galère ! J’ai mal au cœur de la voir ainsi.
En attendant que sa frustration s’éloigne, j’essaie d’être le petit ami le plus parfait possible. Hier soir, je lui ai préparé un bain dans lequel j’ai fini par plonger également sous les suppliques de Kim. Résultat, la pièce s’en est retrouvée inondée après des ébats trop vigoureux. Mission accomplie, je voulais la détendre et c’était une réussite. Je sais à quel point elle désirait participer à ce championnat et tout ce qu’elle a sacrifié pour atteindre ce niveau.
À l’instant, nous roulons en direction de la maison de Camden et Faith. Ce dernier, joueur chez les Canucks, a un match à domicile ce soir et il nous a demandé si nous pouvions emmener Faith qui en est à presque huit mois de grossesse.
Connaissant le code du portail, je le tape sur le digicode après avoir ouvert ma vitre et m’engage dans leur allée. Devant la porte se tient Faith qui trépigne d’impatience. Je m’arrête pile à sa hauteur, Kim quitte l’habitacle, la salue chaleureusement et je l’imite.
— Allez, mamie, installe-toi à l’avant, lui commande Kim en la soutenant.
Elle peine à marcher, se dandinant plus qu’autre chose. Étant donné la taille de son ventre, je doute qu’elle distingue encore ses pieds la pauvre. Des jumeaux, décidément Camden ne fait jamais les choses à moitié. Remarque, c’était à prévoir puisqu’il y a des jumeaux des deux côtés familiaux. Camden avec ses sœurs jumelles, Evelyne et Gracelyne, et Faith, ses petits frères sont nés l’an dernier. Ils ont treize mois, sans compter ses cousins londoniens. Ça en fait des naissances gémellaires.
— Tu sais, on peut regarder le match tranquillement depuis ton salon Faith, lui proposé-je tandis qu’elle s’installe non sans difficultés dans la voiture.
— C’est sûrement l’une des dernières fois que je peux assister à l’un des matchs de Camden… une fois les bébés nés, je ne pourrai plus traîner à la patinoire, grimace-t-elle en glissant ses fesses sur le siège passager.
— Mais si ma belle, la rassure Kim. Je garderai les enfants et tu pourras supporter ton homme, lui lance ma jolie petite amie dont les yeux verts pétillent.
J’attends que la future maman soit bien installée, ferme la portière et contourne la voiture pour m’asseoir derrière le volant. Une fois les filles attachées, je démarre et file vers le complexe où se tient la rencontre. Sur place, nous nous posons dans les loges VIP avec les sœurs de Camden qui dorlotent leur belle-sœur.
La tension qui règne entre les joueurs de l’équipe Sabres de Buffalo et les Canucks atteint des sommets. Si l’arbitre ne met pas un peu d’ordre, les blessures risquent de s’accumuler. L’un des adversaires patine comme un dératé vers Camden qui file à une vitesse phénoménale, palet au bout de la crosse, vers le but. Le numéro deux des Sabres arrive sur le côté, Camden trop concentré sur l’action qu’il entreprend ne le voit pas débouler et vole contre le plexiglas avant d’atterrir lourdement sur la glace.
— Camden, crient en même temps les filles dans mon dos.
— Oh non, non, non entends-je Faith se lamenter. Non, pas maintenant.
— Oh non ! s’écrie à son tour Kim.
Je quitte des yeux la piste où Camden, solide comme un roc, se redresse. Il semble un peu sonné, mais il va bien. Ouf ! Je me retourne pour demander aux filles ce qu’il se passe car le ton employé par Kim m’a alarmé.
— Qu’y a-t-il ? questionné-je ma petite amie dont le regard est rivé sur le sol.
— J’ai perdu les eaux, s’exclame Faith qui soulève un pied puis l’autre évitant la flaque qui s’étend à ses pieds.
— Mon Dieu ! Faith, c’est le moment, s’égosille l’une des jumelles. Génial ! Super génial. On va avoir des neveux.
— Brian, on bouge, m’apostrophe Kim qui réunit déjà les affaires. Allez, Brian, on décolle. On doit la conduire à la maternité, me précipite ma petite nana qui prend les choses en main.
— Je ne veux pas y aller sans Camden, geint Faith en se tenant le ventre à deux mains.
— Écoute, tu as perdu les eaux, nous devons impérativement nous y rendre, lui explique Kim. À ce stade, une surveillance accrue demeure nécessaire. En plus, tu fuis un peu beaucoup ma chérie, lui dit-elle en désignant du menton son bas mouillé, tu ne peux pas te rasseoir et d’ici quelques minutes, les contractions vont arriver.
Elle m’épate ! Littéralement. Comment connaît-elle tout ça ? Même Faith semble interloquée.
— On vous accompagne, annonce l’une des sœurs de Camden, déjà débout et excitée comme une puce.
Je suppose que c’est Evie, la plus fougueuse des deux, elles se ressemblent et cette dernière a eu la bonne idée de couper ses cheveux comme ceux de sa jumelle, je galère donc à les discerner. De plus ce soir, elles arborent une tenue similaire, les chipies. Le maillot de l’équipe avec pour flocage le nom de leur frère. J’avoue qu’on le porte tous dans notre équipe. Un sourire fleurit sur mes lèvres, bientôt, ma Kim endossera le mien.
— Je crois qu’il est préférable que vous restiez là, essaie d’expliquer Kim calmement. Vous devez avertir Camden aussitôt le match terminé, leur donne-t-elle comme mission.
Les jumelles ne l’entendent pas de cette oreille. Elles fulminent et tentent de refiler cette tâche à Kim.
— Les filles, Kim a raison. Vous êtes les seules à pouvoir passer la sécurité et atteindre Camden, leur indique Faith en mettant fin au débat.
Bon gré mal gré, elles acceptent de rester et nous nous mettons en route. Je roule prudemment jusqu’à l’hôpital de Vancouver, je ne voudrais pas causer un accident alors que je transporte une femme enceinte et sur le point d’accoucher.
Je dépose les princesses le plus près possible de l’entrée avant de me stationner au loin. Kim soutient Faith jusqu’à l’entrée du bâtiment puis, elles disparaissent derrière les portes à ouverture automatique. Je remets ma voiture en route et pars chercher une place de stationnement que je finis par dénicher assez loin de l’entrée. Tant pis. Je m’empresse de sortir et au petit trop, je traverse le parking. Je pénètre dans le hall de l’hôpital et me rue à l’accueil où je demande à l’hôtesse comment me rendre à la maternité. J’écoute ses directives avec attention, la remercie et d’un pas pressé, je gagne l’aile Est.
— Bonjour, je cherche Faith Rowe, elle vient d’arriver et ma petite amie l’accompagne, expliqué-je à une infirmière que je croise dans le long couloir aux murs blanc.
— Je vous invite à patienter dans l’espace dédié, m'explique la jeune femme qui semble très pressée. Comme le papa n’est pas encore là, madame Rowe a souhaité que la demoiselle la suive en salle d’accouchement, cependant une seule personne peut l’accompagner.
— Oh, euh… merci.
Je m’assois sur l’une des nombreuses chaises vides, sors mon téléphone et regarde le reste du match. Enfin, regarder est un bien grand mot, tout ce qui m’intéresse c’est de voir si Camden a pu obtenir l’information. L’apercevant toujours sur la piste, j’imagine que ses sœurs n’ont pas réussi à l’atteindre. Quelle merde ! Il reste encore vingt-cinq minutes de jeu.
En combien de temps naissent les bébés ?
Chapitre 3
Brian
Quelle galère ! La panique doit gagner Faith. Elle doit flipper que Camden arrive trop tard pour assister à la naissance des enfants qui se présentent maintenant alors qu’elle est à un peu moins de huit mois de grossesse. J’espère que tout ira bien pour eux, qu’aucune complication ne ternira ce précieux moment.
Mon attention se porte sur l’horloge, puis sur l’écran de mon téléphone sur lequel je regarde le match. Dix minutes se sont écoulées et Camden joue encore. D’ailleurs, il vient de marquer un but. Il lève sa crosse au plafond, un sourire de conquérant illumine ses traits. Les supporters l’acclament et l’applaudissent. Ça, c’est mon pote ! En l’observant, je souhaite ardemment un jour connaître tout ce déferlement de bonheur. Certes, je joue au hockey avec l’équipe universitaire, mais le niveau diffère d’un match pro et l’ambiance également. J’espère sincèrement être appelé au camp estival.
Palet au milieu de la glace, le duel va redémarrer, mais Camden jette un coup d’œil sur le public puis il va voir l’arbitre. Il lui parle, quitte rapidement la piste en se dirigeant vers le coach auquel il adresse un mot. Les caméras le suivent, et on le voit partir en direction des vestiaires en courant. Ouf ! Dans une trentaine de minutes, il montrera sa frimousse. Espérons que ce laps de temps suffira. Les bébés tenaient encore, papa arrive !
« Camden vient de quitter la glace, il va arriver. »
J’envoie ce message à Kim qui me répond dans la foulée.
« Qu’il se magne parce que je ne vais pas supporter ça longtemps. Faith souffre bordel… je te préviens Hollister, je ne veux pas de bébés ! À partir de maintenant, tu la garderas dans le pantalon ! »
Je saute de ma chaise. Sérieux ! Elle déconne là ? Hors de question de m’abstenir. Dès qu’elle franchit la porte ou qu’elle entre dans mon champ de vision, mon sabre se réveille ! Non, elle rêve ! J’adore trop me perdre dans son corps magique, et Kim aime trop mon sexe pour s’en passer.
« Je ne te donne pas deux jours Sunshine.
Je souris, fier de moi et attends une réponse que ne vient pas. Je croise les doigts que tout aille bien, que les bébés sont encore au chaud. La vache que c’est angoissant ! Et ce ne sont pas mes enfants qui naissent. Qu’est-ce que ce sera lorsque notre tour se présentera ? J’espère que je vais assurer et pas m’effondrer sous le coup de l’émotion. Avec ma belle, nous avons déjà discuté de notre avenir et l'entrevoyions de la même façon. Priorité à notre carrière sportive et ensuite quand le moment sera venu, nous fonderons notre famille. J’ai vingt-et-un ans, Sunshine dix-neuf ans, nous avons encore le temps devant nous, mais une chose est sûre, nous désirons l’un comme l’autre des petits anges. Nos violons sont accordés sur ce point.
De nouveau mes yeux croisent les aiguilles de l’horloge. Dix petites minutes se sont écoulées depuis que Camden a quitté la piste.
Allez, mec, magne-toi. Tu ne peux pas louper la naissance de tes enfants, murmuré-je en baissant le regard sur mon téléphone. Quelle plaie ! Ce stress va finir par m’achever.
Et Kim, qu’est-ce qu’elle fiche, pourquoi ne me répond-elle pas ? Je me lève et me dirige dans le couloir. Je ne tiens plus en place, je suis une vraie pile électrique. Je fais les cent pas et relève la tête dès que le bip de l’ascenseur annonce l’ouverture des portes. Chaque fois l’espoir de voir la bouille de mon meilleur ami me propulse vers la cage de métal. Cette septième fois, c’est la bonne, le voilà enfin et je grimace en le découvrant.
Il n’a pas pris le temps de se changer, il porte toujours sa tenue de hockeyeur.
— Où est-elle ? me demande-t-il à peine que l'ouverture coulisse.
Il quitte la cabine comme un taureau prêt à charger, et regarde autour de lui. Camden se montre hyper protecteur dès qu’il s’agit de sa petite femme et je le comprends, j'agis de façon similaire avec Kim. Ah l’amour, ça métamorphose un homme !
— De l’autre côté de ses portes, lui indiqué-je du menton.
Il pivote et fonce vers l'endroit sans même se retourner.
— Cam attends ! Je ne crois pas que tu puisses passer les portes sans autorisation.
— Je me fiche de leur permission, ma femme s'y trouve, j’y vais.
Il franchit l’accès et me voilà de nouveau seul au milieu du couloir, mais soulagé de le savoir enfin au chevet de Faith qui, telle que je la connais, elle doit paniquer à l’idée d’accoucher sans son mari à ses côtés. L’esprit légèrement apaisé, je repars m’asseoir en attendant le retour de Kim qui ne tarde pas.
Je me lève aussitôt que j’aperçois ses impressionnantes boucles anglaises châtains claires. Elles retombent devant ses sublimes iris vert foncé qui m’ont charmé à l’instant où j’ai croisé son regard au collège trois ans plus tôt. J’étudiais en 12 th grade et elle en dixième grade. J’allais fêter mes dix-huit, et elle venait de souffler ses seize printemps. Timide, j’ai eu beaucoup de mal à l’aborder, malgré les apparences, je suis un type assez réservé, qui l’eût cru ? Nos nombreuses discussions sur les réseaux sociaux nous ont permis de mieux nous connaître, puis ma présence lors de son gala de patinage a sonné le début de notre merveilleuse relation. Kim, c’est le rayon de soleil qui manquait à ma vie. Je me sens seul depuis si longtemps. Certes, j’ai ma bande d’amis qui me tient compagnie, mais j’ai grandi seul et par là j’entends, vraiment seul. Mes parents ne se sont jamais réellement occupés de moi, trop accaparés par leur société, j’ai été élevé par Mima, ma grand-mère génialissime qui a mis tout en œuvre pour me rendre heureux, mais, elle n’était pas ma mère.
— Hé Sunshine, comment va-t-elle ? lui demandé-je en la rejoignant.
J’entoure sa fine taille de danseuse et la ramène contre mon flanc puis je pose mes lèvres sur sa chevelure toute douce. Ma beauté est petite en comparaison avec moi, elle mesure un mètre cinquante-sept, moi plus d’un mètre quatre-vingts.
— Elle souffre Boo, tu n’imagines pas à quel point. La pauvre ! Je ne savais plus comment la soulager. J’étais contente de céder ma place à Camden, m’avoue-t-elle alors que j’appuie sur le bouton pour appeler l’ascenseur.
Restées à notre étage, les portes s’ouvrent aussitôt et nous nous faufilons dans la cabine. Kim colle son dos contre la paroi tandis que je presse sur le zéro qui nous mènera au rez-de-chaussée. Je me tourne vers elle et lui adresse un petit sourire.
— Tu te rends compte que d’ici quelques heures, Camden et Faith seront parents ? C’est incroyable, je n’arrive toujours pas à réaliser qu’ils vont accueillir de minuscules êtres sur lesquels ils vont devoir veiller nuit et jour, expliqué-je avec engouement. Dans quelques années, on sera à leur place, continué-je béatement.
— Non, je ne crois pas Brian… être témoin de la souffrance de Faith m’a littéralement refroidie. Tu aurais dû la voir, la malheureuse, elle en bavait et cette vision m’a fait comprendre que je ne souhaitais pas d’enfants.
— Tu es encore sous le choc mon cœur, on en reparlera quand les petits Rowe seront nés, lui dis-je en embrassant le bout de son nez.
— Oh non ! C’est tout vu Hollister, je ne veux pas de bébés, m’annonce-t-elle bien décidée à avoir le dernier mot.
— D’accord, OK, dans ce cas, nous n’aurons pas d’enfants Sunshine, capitulé-je pour clore la conversation.
Oui, je suis intelligent, je ne contrarie pas ma douce, on en reparlera plus tard. Le ding retentit et l’élévateur nous libère. Main dans la main, nous quittons la maternité et regagnons la voiture stationnée sur le parking.
— Je n’en reviens toujours pas que Camden soit arrivé avec sa tenue de match, stipulé-je tandis que j’engage mon SUV dans le trafic.
— Ses parents vont lui rapporter des vêtements ainsi que la valise de Faith et des petits. Dès qu’il a su, il a filé au vestiaire, a troqué ses patins contre sa paire de Nike puis tout en courant il a donné des consignes aux jumelles avant de foncer ici, m’explique Kim tout en changeant la station de radio. Faith était soulagée lorsqu’il l’a appelée pour lui annoncer son arrivée imminente.
Le son Lite Night Talking de Harry Styles sort des enceintes et mon rayon de soleil se met à chanter et à se trémousser sur son siège comme à son habitude. Aucun doute, Kim a le rythme dans la peau, pas étonnant qu’elle danse et saute sur la glace. Un sourire illumine mon visage en l’observant du coin de l’œil. Je sais qu’elle bouge son corps pour évacuer tout le stress qu’elle a accumulé en soutenant son amie.
Arrivés à la maison ou plutôt devrais-je dire, à celle de mes parents, nous nous préparons un en-cas que nous prenons devant la télévision en espérant que le film joué à l’écran nous distrait. En vain, Kim et moi regardons toutes les dix minutes sur nos téléphones si nous n’avons pas reçu un message de Camden pour nous aviser de la naissance des jumeaux.
Finalement, la bonne nouvelle nous parvient peu après quatre heures du matin.
« Camden et Faith ont la joie de vous annoncer la venue au monde de leurs enfants. Camy et Aiden qui ont vu le jour ce cinq mars à deux heures et douze minutes. La maman et les bébés se portent bien. »
— Ça y’est, ils sont nés ! Le choix du roi en un seul coup ! s’exclame Kim en bondissant sur le lit, complètement surexcitée. Il est vraiment trop fort ce Camden. Oh Brian, regarde, Camden a envoyé une photo, s’enthousiasme-t-elle en me frappant dans l’épaule, achevant de me réveiller. Oh ils sont trognons. J’en veux des aussi beaux Hollister. Regarde, comme ils se ressemblent.
Je ne retiens surtout qu’une chose dans tout ce déferlement de bonheur, c'est qu’elle désire de nouveau des enfants. Je me doutais qu’en voyant la bouille des jumeaux, elle craquerait. CQFD, ne jamais contrarier sa moitié quand elle est sous le coup de l’émotion.
— En effet Sunshine, ils sont mignons, mais ce n’est pas étonnant lorsqu’on connaît les parents, rigolé-je en la serrant contre moi. Allez, il nous reste encore quelques heures avant de nous rendre chez tes parents, éteins la lumière et mettons à profit ce laps de temps pour nous entraîner à faire des bébés, proposé-je en l’embrassant dans le cou.
Elle appuie sur l’interrupteur et nous voilà à nouveau plongés dans le noir et comme je n’ai qu’une seule parole, je lui fais l’amour avec passion puis, épuisés par nos ébats, nous retombons dans les bras de morphée.
Chapitre 4
Kim
Nous nous réveillons sur le tard, beaucoup trop pour prendre le petit déjeuner qui nous mettrait en retard chez mes parents. Nous nous préparons rapidement et moins de quarante-cinq minutes après notre réveil, Brian et moi posons nos fesses dans sa Porsche que ses parents lui ont offert pour ses dix-huit ans.
Tandis que mon petit ami nous conduit au domicile familial, j’échange quelques textos avec Faith qui est sur un nuage. Elle m’envoie quelques photos des jumeaux qui me déclenchent des tas de sourires. Camy et Aiden sont vraiment trop choux.
— Laisse-moi deviner, tu souris devant les portraits des jumeaux ? me demande Brian en me jetant un coup d’œil amusé.
— Ils sont tellement beaux. Difficile de ne pas s’extasier devant tant de mignonneries, réponds-je en rangeant mon téléphone après avoir souhaité une belle journée à mes amis. Camden et Faith rayonnent et je suis heureuse pour eux après les épreuves qu’ils ont traversées.
— En effet, leur histoire n’a pas été simple. Mais dans la vie, rien ne vient jamais facilement, hein ? Nous devons toujours nous battre pour obtenir ce que nous désirons ardemment, déclare-t-il tout en restant concentré sur la route.
— À qui le dis-tu Boo ? réponds-je en tournant la tête vers la vitre.
Je sens la main de Brian se poser sur ma cuisse qu’il serre en guise de réconfort. J’ai toujours du mal à avaler la façon dont Asher m’a jetée après ma blessure et la suite. J’étais tellement déçue de ne pas pouvoir assister au championnat que je n’ai absolument rien suivi. Je ne sais pas qui a réussi à briller devant le conseil et quand Lika a voulu m’en parler, je l’ai stoppée net. La pilule est encore trop dure à avaler, les événements trop récents. Honnêtement, tourner la page va me prendre un certain temps. C’était mon année, j’étais prête, Asher aussi, j’aurais pu décrocher une sélection, j’en suis persuadée.
Foutue cheville à la con, pensé-je en effaçant les larmes qui roulent sur mes joues.
— Sunshine, m’appelle doucement mon amoureux en me frottant la cuisse avec délicatesse.
— Ce n’est rien Brian… juste un coup de blues, mais ça va passer, ne t’inquiète pas, lui réponds-je en me voulant rassurante.
Il n’est pas idiot, il sait que ça ne passera pas rapidement, il en est conscient. Après tout, c’est un athlète lui aussi donc il comprend ma profonde tristesse face à cet échec, je ne me voile pas la face, c’est un échec cuisant. J’ai renoncé aux études pour me consacrer à ma carrière de patineuse et cette blessure contrarie non seulement mes rêves, mais aussi mon avenir. J’espère m’en remettre, sinon je vais devoir retourner à l’école et à part patiner, rien ne m’intéresse réellement.
Il pousse un soupir et sa main retrouve le volant, enfin je le suppose, car je n’ai toujours pas tourné la tête dans sa direction. Perdue dans mes pensées, je remarque que nous sommes arrivés au moment où Brian engage la voiture dans l’allée qui borde la maison familiale où j’ai grandi. Comme toujours, le chemin est propre, la pelouse tondue à la perfection et des jardinières apportent de la gaîté aux fenêtres et à la façade crème. Quant à la maison, c’est une jolie bâtisse avec un intérieur chaleureux et très accueillant.
Brian adore passer du temps chez mes parents pour cette raison, mais surtout parce qu’ici, dans mon foyer, avec ma famille très présente et attentionnée, il ne se sent pas insignifiant. Mes parents l’aiment énormément et le considèrent comme un fils. Mon père éprouve un peu moins de solitude depuis que nous nous fréquentons, il a enfin trouvé une personne avec qui partager son intérêt pour le sport, et par là j’entends, hockey, football américain, boxe et j’en passe.
Le frein à main enclenché et le moteur éteint, je récupère mon sac qui gît sur le plancher entre mes pieds et quitte l’habitacle. Brian sort et me rejoint devant le capot de la petite sportive et faufile son bras autour de ma taille avant d’embrasser ma tempe. Je tourne le visage vers lui et croise son doux regard caramel dans lequel je lis son inquiétude. J’esquisse un sourire qui se veut rassurant et il m’étreint plus fortement. Son accolade me réconforte, mais ce n’est guère étonnant. Brian donne les meilleurs câlins de tous les temps. Je ne suis pas objective car c’est mon petit ami depuis trois ans maintenant, mais sérieusement, j’adore nicher ma tête contre son imposante poitrine. Il est plus grand que moi, un mètre quatre-vingt-six et moi je mesure un mètre cinquante-sept. Nos carrures contrastent, je semble tellement petite et frêle à ses côtés, mais je me sens aussi très en sécurité dans le cocon que m’offrent ses bras musclés.
— Ah vous voilà ! s’écrie maman en ouvrant la porte, je me disais bien que j’avais perçu le ronronnement d'un moteur. Ton père m’a houspillée en affirmant que je divaguais, vous entendez ça les jeunes ? Moi, je divague, souligne-t-elle en roulant des yeux. Comment allez-vous ? nous demande-t-elle alors que nous arrivons à sa hauteur.
— Ça va Karen, répond Brian en acceptant son embrassade accompagnée d’un sourire. Et toi ?
— Tout va bien aussi, lui rétorque-t-elle pendant que Brian s'enfonce dans le couloir. Ah ma petite Kimberly, viens-là, m’invite-t-elle en tendant ses bras dans lesquels je me fonds.
Si j’aime les câlins réconfortants de Brian, j’aime également ceux de ma mère, ses étreintes rassurantes qui m’ont bercée toute mon enfance. Ma mère est une personne géniale, à l’écoute, qui ne juge pas et surtout qui respecte vos silences. Elle et moi ne nous ressemblons pas le moins du monde, pour cause, Karen Wilson est ma mère adoptive. Elle est grande en tout cas, plus que moi puisqu’elle mesure un mètre soixante-douze. Si je frise, ses cheveux sont lisses et ébènes, les miens, blond foncé. Mes pupilles sont vertes, les siennes marron presque aussi foncées que le nutella. Elle est pulpeuse tandis que j’ai une silhouette de sportive. J’ai rejoint le foyer de Karen et Carter, mon père adoptif, à l’âge de deux mois après le décès brutal de ma maman biologique. Personne dans sa famille proche ne voulait de moi et j’ai donc été confiée aux services sociaux du Canada.
La surprise a envahi mes parents lorsque l’assistante sociale les a contactés pour les informer qu’ils avaient entre leurs murs, une petite fille canadienne prête à être adoptée et qu’ils avaient été choisis pour être mes parents. Ils avaient fait la démarche d’adopter au Canada dix ans plus tôt. Entre-temps, ils s’étaient tournés vers d’autres pays et avaient accueilli ma sœur aînée, Kendal, originaire de Côte d’Ivoire six ans avant mon arrivée. Elle était alors âgée de quatre ans. Lorsque j’ai débarqué avec mes braillements et mes couches sales, elle venait de souffler sa dixième bougie.
Mon prénom s’accorde à merveille avec les filles de la famille Wilson. Quand nous sommes toutes les trois réunies, ma sœur, ma mère et moi et que l’on mène mon père en bourrique, il nous prénomme les trois K. Karen, Kendal, Kimberly.
— Je suis contente de te voir ma chérie, me dit-elle en me relâchant.
— Moi aussi maman, au moins cette blessure nous permet de passer un peu de temps ensemble, déclaré-je en serrant sa main. Heureusement qu’il n’y a pas que des inconvénients.
Elle m’adresse un sourire contrit et referme la porte derrière elle tandis que je retrouve mon père et Brian déjà attablés et discutant de sport dans la salle à manger. Et plus particulièrement du match des Canuks de la veille au soir. J’embrasse mon paternel et prends place aux côtés de mon amoureux tandis que ma mère amène déjà les plats qu’elle dispose ici et là autour des assiettes.
— Tu as eu des nouvelles de Kendal ? la questionné-je.
Ma sœur et son mari Leo ont décidé de quitter Vancouver pour s’installer dans le Montana quatre mois plus tôt. En effet, Leo a obtenu une promotion qui ne se refuse pas et ils ont donc déménagé. Leur départ a perturbé maman, elles se voyaient presque tous les jours. En partant, ma sœur a laissé un grand vide dans sa vie et au début, elle tournait en rond dans la maison et avait le blues.
— Elle m’appelle toutes les semaines, tu sais. Ça va, elle se plaît aux États-Unis, m’explique-t-elle tout en se servant en salade.
— C’est une bonne chose, réponds-je en prenant à mon tour de la nourriture.
La conversation continue, maman m’apprend qu’ils ont décidé d’avoir un bébé. Ma sœur approche de la trentaine, alors je comprends qu’elle ressente l’envie de fonder une famille.
— Faith a donné naissance à ses jumeaux hier, lui annoncé-je avec enchantement. Regarde comme ils sont trop mignons et minuscules, m’excité-je en sortant mon téléphone de mon sac, pendu à ma chaise.
J’affiche les photos et lui montre les deux bouts de chou, collés l'un à l'autre.
— Aiden et Camy, ils sont venus prématurément, mais ils ont un poids très correct, lui expliqué-je avec enthousiasme.
— En effet, ils sont adorables. Il me tarde d’être grand-mère à mon tour, m’indique-t-elle avec des yeux pétillants. On va le choyer cet enfant.
— Je n’en doute pas une seconde.
Une fois le repas terminé, j’aide ma mère en emportant les plats à la cuisine. Puis je prépare trois cafés que je vais poser sur la table tandis qu’elle amène sa fameuse tarte aux pommes dont Brian raffole. Comme d’habitude, maman lui en sert une généreuse part qu’il s’empresse de manger sous l’hilarité générale.
— Quoi ? demande-t-il en souriant et les yeux pétillants. Ce n’est pas ma faute si cette tarte est à tomber. Bravo Karen, je ne sais pas comment tu t’arranges pour qu’elle soit meilleure que la précédente à chaque fois.
— C’est simple Brian, j’y ajoute une dose d’amour en plus, rien que pour toi, lui révèle-t-elle en croisant son regard.
— Eh bien, ne cesse jamais, ô grand jamais d’en mettre, rit-il.
— Promis mon grand. Alors Kim m’a dit que tu avais réussi une partie de tes examens ?
— Oui, je suis content. Je vais valider mon année sans trop de problème.
— C’est super Brian, tu peux être fier de toi, le félicite mon père. Et le hockey, comment ça se passe ?
— J’ai fait une belle saison. J’attends les invitations pour les camps d’été. J’espère vraiment avoir tapé dans l’œil d’un très grand club. Sinon je pourrai jouer en ligue inférieure, rien n’est perdu.
–— Exactement, rien n’est perdu, renchérit ma mère en lui souriant.
Mon petit ami hoche la tête, puis se ressert un morceau de tarte qui trouve rapidement sa bouche.
— Oh, s’emballe subitement ma mère, amenant tous les regards sur elle. Anita, la mère de Milan, m’a informée par message que lui et Tatiana s’étaient fait remarquer lors du championnat.
— C’est bien pour eux.
Je connais Milan pour avoir patiné avec lui plus jeune. Notre duo a duré sept ans. Nous étions doués, de vrais prodiges. Pourtant, nous avons été contraints de nous séparer à cause du déménagement de ce dernier à l’autre bout du pays. Ses parents le trouvaient beaucoup trop jeune pour le laisser à Vancouver et immature. Ça a été un déchirement de le voir partir et le début des ennuis pour moi.
Nous patinions à deux depuis longtemps. J’ai commencé à quatre ans et lorsque j’ai eu six ans, les entraîneurs de l’époque nous ont testés ensemble. Entre nous, ça a été une évidence. Nous avons très vite progressé sous l’œil appréciateur de nos mentors. Nos sept années de patinage en duo nous ont permis de tisser des liens, on se connaissait par cœur et nous avions une très grande confiance mutuelle, chose primordiale lorsque l’on pratique cette discipline en couple. Nous avons raflé les plus beaux trophées. Nous avons charmé les Canadiens accros à ce sport à chacune de nos compétitions et tout le monde autour de nous, entraîneurs, familles, public, nous voyaient aller très loin. Si lui a su s’imposer en retrouvant une partenaire en qui il a toute confiance, je n’ai pas eu cette chance. N’ayant jamais retrouvé un partenaire avec lequel je me sentais en sécurité, j’ai décidé d'avancer seule jusqu’à mes dix-sept ans. Hélas, je ne prenais pas autant de plaisir à évoluer seule sur la glace, je m’ennuyais. J’en ai touché deux mots à Lika qui m’a comprise et m’a trouvé Asher.
Les larmes me montent aux yeux en pensant à ce nase qui m’a lâchement abandonnée remettant en cause ma carrière. Ce n’est jamais que la seconde fois que ça m’arrive… miss poisseuse c’est moi, Kimberly Wilson de Vancouver.
Brian qui me connait par cœur, perçoit que la rupture de la digue menace. Pour éviter que je ne m'effondre, il change radicalement de sujet en lançant mes proches sur leurs projets pour l’été qui se pointera dans quatre mois. Comme à notre habitude, enfin je l’espère, nous passerons nos soirées du mois de juillet avec notre équipe. Cette fois, les choses vont sûrement se compliquer et nous devrons nous adapter avec l’arrivée de Camy et Aiden, mais je ne doute pas que ce sera génial et j’ai déjà hâte d’y être.
Si tu as aimé ce début, tu peux retrouver l'intégralité du roman ici
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