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Meadow chapitre 1 à 4
Meadow
Felicia était agenouillée devant l’amas de terre, des larmes ruisselantes sur ses joues rosies par le froid de cette mi-novembre. La neige n’était pas encore tombée, mais à la vue des températures, elle ne doutait pas une seconde qu’elle finirait par arriver tôt ou tard. Hélas, elle ne serait pas présente pour voir les premiers flocons virevolter dans l’air avant de venir s’écraser sur les trottoirs qui deviendraient très rapidement blancs et instables.
Elle avait toujours aimé l’hiver et davantage le manteau blanc qu’il laissait dans son sillage. Les souvenirs des activités avec ses parents lui revinrent en mémoire, les descentes en luge, les bonhommes de neige et bien évidemment le chocolat… même si à l’adolescence tout ça l’avait lassé elle en chérissait le souvenir.
Felicia était une jeune fille de dix-neuf ans, ne dépassant que le mètre soixante. Myope, elle portait des lunettes depuis l’enfance. Des taches de rousseur concentrées sur la région nasale venaient rehausser son teint de porcelaine. Sa chevelure blonde pourvue de reflets couleur miel était surement la cause de la présence de ces petits paquets roux sur son nez. Felicia les détestait, car elles lui avaient attiré plusieurs moqueries et railleries durant sa jeunesse. Et, s’il n’y avait eu que ça pour divertir ses camarades qui trouvaient toujours une raison de la rabaisser, son côté intello, lui ayant valu aussi des déconvenues. Elle était une excellente élève et un génie de l’informatique. Elle n’avait jamais pris de cours, c’était inné.
Elle avait eu une bonne enfance. Chez eux, l’argent ne manquait pas, tout du moins, elle le croyait jusqu’à sa visite au notaire un peu plus tôt. À la suite de leur décès tragique, survenu la semaine précédente, ses parents lui laissaient une somme colossale à rembourser.
La voilà à 19 ans sans diplôme et déjà endettée de plus de sept cent mille dollars. Étonnée par ce montant, son désir de contester s’était fait sentir, mais les faits, écrits noir sur blanc l’avait calmée. La maison avait été saisie dans la journée et le notaire lui avait conseillé de prendre tout ce qu’il lui appartenait avant l’arrivée des huissiers. Elle n’avait eu qu’une heure pour faire ses valises. Il ne lui restait plus rien, excepté ses économies et sa voiture qui l’emmèneraient ailleurs.
Où ? Elle ne le savait pas encore, n’ayant pour ainsi dire pas réellement cherché, trop accablée par le chagrin et le désespoir. Elle avait été déroutée par l’obligation de déguerpir de chez elle par la force ne lui laissant pas le temps de se retourner. La cession de la maison devait avoir lieu le plus rapidement possible afin de rembourser une bonne partie des dettes. Sur ce point, le notaire n’avait pas été très encourageant.
L’endroit où la résidence se situait avait perdu beaucoup de valeur au cours des dernières années et selon le commissaire-priseur, il serait difficile d’en toucher trois cent mille dollars. Si par miracle ce montant était atteint, quatre cent mille dollars subsisterait. Elle espérait que la vente des meubles comblerait un minima cette dette.
Felicia se releva et épousseta ses mains sur son pantalon. Elle était venue au cimetière pour leur hurler toute sa colère de l’avoir laissée seule et dans le pétrin, mais finalement aucun mot n’avait franchi ses lèvres. Elle aurait voulu comprendre, que quelqu’un lui explique pourquoi ils en étaient arrivés là. Cependant, il était trop tard, personne ne lui répondrait. Ils étaient morts et enterrés, elle était esseulée. La jeune fille essuya rageusement ses joues souillées de larmes.
Ses parents avaient des amis et comme personne ne s’était montré aux obsèques, elle se demandait si sa famille avait compté pour eux. Elle n’avait eu que peu de soutien le jour des funérailles. L’église n’avait contenu que quelques visages qu’elle avait peu aperçus au cours de ces dernières années. La jeune fille n’avait pu compter que sur Mme Lords en guise de support moral, une voisine de quatre-vingts ans qu’elle n’avait pas revue depuis l’inhumation.
Pour cause, Felicia n’était sortie de la maison que ce jour pour se rendre chez le notaire. Elle était rentrée immédiatement après. Elle avait rassemblé et empaqueté ses affaires, pris son P.C. portable et l’argent qu’elle avait gagné en réparant les ordinateurs de ses camarades. Elle l’avait placé sous une latte de son plancher dans sa penderie. Le montant de ses économies s’élevait à six mille dollars, c’était peu, mais à l’instant, ce capital était le bienvenu. Son épargne l’aiderait à entamer sa nouvelle vie.
Elle avait fourré toutes ses affaires dans sa voiture et s’était rendue au cimetière pour dire adieu à ses parents. Celle-ci regarda une dernière fois le monticule de terre puis tourna les talons, serrant les poings et les lèvres, relevant fièrement la tête. Une page se tournait, une autre histoire commençait. Elle s’installa au volant, inspira profondément et s’inséra dans la circulation. La jeune fille emprunta l’autoroute, roulant quelques heures avant de s’arrêter sur une aire de repos.
Elle entra dans la station pour y payer son gazole et acheter de quoi se nourrir. Felicia s’installa à une table libre et mangea son sandwich tout en tournant machinalement les pages d’un journal. Son regard fut attiré par une publication. L’examinant de plus près et intéressée, elle arracha l’annonce et abandonna le magazine. Après avoir jeté ses déchets, un petit passage aux toilettes s’imposa avant le retour à la voiture.
Elle relut les quelques lignes puis sortit son téléphone afin de chercher un accès Wi-Fi gratuit. Elle se connecta au réseau et dénicha le lieu indiqué. Ça n’était pas parfait, néanmoins l’endroit ferait l’affaire. Trois heures de trajet la séparaient de Yatown, une ville de taille moyenne détenant beaucoup d’infrastructures. Elle repéra le numéro de téléphone de la personne gérant ce camp de mobil-homes et le composa.
— Bonjour, j’appelle pour l’annonce, le logement est encore disponible… oui… d’accord… je vais vous le louer… oui, oui, j’ai de l’argent.
Felicia raccrocha, heureuse d’avoir trouvé de quoi se loger. Ça n’était pas du luxe, ni même comparable à sa maison familiale, mais elle manquait de moyens pour s’offrir mieux. Après trois heures de route, elle arriva enfin au camp qui se situait dans les tréfonds de Yatown. Stoppant la voiture à l’entrée, elle se rendit à l’accueil où un homme grassouillet regardait un match de football américain, une bière à portée de main.
— Bonjour. J’ai appelé pour l’annonce.
— Ah oui, je m’en souviens. Vous m’avez l’air bien jeune pour vivre seule dans cet endroit. Enfin, qu’importe, je me fiche de ton âge tant que tu payes. C’est trois cents dollars par mois.
Elle sortit de sa poche l’argent qu’elle avait préparé et le mit sur le comptoir.
— C’est le numéro 33 ! Tu ne pourras pas le manquer, c’est le bleu pétant. Si la couleur ne te plaît pas, tu peux le repeindre, effectuer des travaux d’aménagement si tu veux, tant que tu ne me le démolis pas.
L’homme bedonnant attrapa la clé et la posa brusquement sur le comptoir.
— Ça, c’est un document qui t’éclaircit sur le fonctionnement du camp. Lis-le ! Tout y est précisé. Bienvenue dans le Meadow.
Les explications terminées, le gérant lui tourna le dos et replongea dans son match.
— Le Meadow ? Je pensais qu’on était à Yatown.
Agacé qu’elle l’importune de nouveau, l’homme la fusilla du regard.
— Ouais, mais ici, c’est le Meadow ma jolie.
Felicia acquiesça de la tête. Le Meadow à Yatown. Ne voulant pas traîner plus longuement auprès de ce malotru, elle regagna précipitamment son véhicule puis roula au pas empruntant diverses allées jusqu’à sa future demeure. Des personnes la regardaient passer, d’autres l’ignoraient. Il y avait une centaine de petites habitations en tout genre. Quelques-unes bien entretenues d’autres non. Felicia aperçut enfin son bungalow. Elle se gara sur l’emplacement et fixa quelques minutes ce qui serait dorénavant son foyer.
Le logement disposait d’une jolie terrasse en bois à moitié couverte. Des bacs à fleurs multicolores étaient suspendus aux rambardes lui donnant un côté champêtre. Les quatre marches qu’elle grimpa la menèrent à la porte qu’elle déverrouilla. Une forte odeur de renfermé se dégagea à l’ouverture révélant que personne n’y avait habité depuis un moment. Elle resta quelques secondes sur le seuil, le regard déviant de gauche à droite.
— Bon eh bien, c’est vieillot, mais ça fera l’affaire.
La blondinette entra pleinement. Sur la gauche se trouvait une chambre avec un grand lit offrant peu d’espace entre les cloisons. Une armoire avec penderie se situait au bout du couchage chargeant un peu plus la pièce. Elle ouvrit la fenêtre afin d’aérer. Les rideaux poussiéreux la firent éternuer. Sortant de sa future chambre, elle migra au salon où elle passa sa main sur les coussins fleuris du canapé. Le tissu était rêche sous sa paume, pas très agréable au toucher. Aucune télévision ne venait enrichir l’espace pauvre en mobilier, ce dont Felicia se ficha, son ordinateur lui suffisait.
La cuisine n’était pas en excellent état, les portes des placards étaient bringuebalantes, l’une d’elles traînait sur le sol. Le point positif était le réfrigérateur qui semblait récent de même que la plaque de cuisson. La table pouvait accueillir quatre convives, ce qui était convenable, même si elle doutait de recevoir des amis un jour.
La salle de bains, bien que minuscule, disposait des toilettes, d’une douche et d’un lavabo agrémenté d’un miroir. À première vue, les robinetteries venaient d’être changées, ce qui la soulagea. La porte suivante lui révéla une chambre avec deux couches et la dernière pièce était vide. C’était parfait, elle déménagerait l’armoire de sa chambre et en ajouterait d’autres au fil du temps afin d’y ranger tout son barda.
Felicia laissa ses valises au milieu du salon, elle sortit l’ordinateur de son sac, pirata l’un des réseaux internet d’un de ses nombreux voisins et tenta de trouver comment réparer les portes de sa cuisine. Passant un bon moment sur les sites de bricolage, elle se rendit à l’évidence, elles étaient hors d’usages. Les caissons semblaient encore en bon état. Pas spécialement bricoleuse, elle savait tout de même manier un tournevis et après plusieurs vidéos visionnées sur YouTube elle nota ses besoins pour rénover la cuisine à moindre coût.
Ne disposant pas de mètre pour mesurer les portes, elle prit l’un de ses instruments et procéda au démantèlement. Ses outils ne la quittaient presque jamais, elle les utilisait chaque jour pour démonter les P.C. qu’elle avait à réparer. Sa pochette en renfermait de toutes sortes de formes et de tailles, cadeau de son père pour ses dix ans.
La jeune femme empila les portes puis les déposa dans son coffre maintenant vide. Elle rangea ensuite son ordinateur dans son sac à dos qui lui servait de sac à main et roula en direction du magasin de bricolage le plus proche.
Elle en ressortit à la fermeture avec des planches découpées aux mesures des anciennes portes, une perceuse premier prix qui effectuerait le travail, des nouvelles charnières et de la peinture grise. Pour les poignées, elle avait pioché dans les fins de série. Elle s’en était tirée pour une centaine de dollars. C’était un budget, mais elle ne voulait pas vivre dans un taudis.
Engloutissant rapidement un sandwich, elle se mit ensuite au boulot, couvrant de peinture grise le bois neutre. Épuisée par sa folle journée, elle se coucha sans avoir omis de se doucher.
Après une nuit assez chaotique à écouter les bruits environnants, sursautant toutes les cinq minutes à cause des claquements de portières, elle avala un café et enchaina. En fin de matinée, sa cuisine était finie. Elle resta un moment devant à l’admirer, fière du travail accompli. La rénovation redonnait un peu de jeunesse à la pièce qui en avait grandement besoin, car rien dans ce logement de fortune n’était au goût du jour.
Sa journée était loin d’être terminée. Lessiver les rideaux était la prochaine étape de ce petit rafraîchissement. Ne disposant pas de détergent, elle décida de les récurer au savon pour les ravigoter. Elle s’affaira, ôtant toutes les tentures qu’elle déposa dans le bac à douche. Felicia les aspergea d’eau chaude, puis versa une bonne dose de nettoyant dans sa main et lava du mieux qu’elle le put chaque morceau de tissu.
Une fois la tâche achevée, elle les mit à sécher à l’extérieur sur l’étendoir découvert sur le côté du logis. Les housses des coussins subirent le même sort que les rideaux.
Le restant de l’après-midi, elle s’activa à nettoyer en profondeur son habitat. Le lino n’était plus de première jeunesse, mais après l’avoir lessivé avec du produit qu’elle avait trouvé dans l’un des placards de cuisine, il semblait presque comme neuf. Enfin, il brillait, de même que les cloisons, qui à force de frotter, étaient passées d’un jaune douteux à un blanc cassé. Ce fut dans un logement sentant le propre que Felicia se coucha ce soir-là. La journée du lendemain serait consacrée à la recherche d’un emploi. Avec les dettes, elle ne pouvait pas s’autoriser à se la couler douce.
Elle parcourut le centre-ville à pied, entrant dans chacune des boutiques et cafés qu’elle rencontra sur son chemin, proposant ses services, ne se décourageant pas malgré les nombreux refus qu’elle essuya. Finalement, elle décrocha une place à mi-temps en qualité de serveuse au Mac Burger qui se situait dans le quartier des affaires. Ça n’était pas idéal, mais mieux que rien. Elle y travaillerait chaque soir jusqu’à la fermeture du fast-food.
Plus loin, une boutique informatique attira son attention. Elle y pénétra et par chance, le dirigeant du magasin était présent. Elle lui montra son CV et lui relata ses motivations. Monsieur Price était impressionné qu’elle ait étudié à l’université technologique la plus prestigieuse du pays, l’Utech. Les meilleurs informaticiens, programmateurs, concepteurs, chercheurs sortaient de cette université et les entreprises se battaient pour les recruter une fois leur diplôme en poche.
Felicia lui expliqua la raison de son emménagement à Yatown, omettant les dettes de ses parents. Incapable de dire si le responsable eut pitié d’elle ou s’il était intéressé par ses compétences informatiques, il lui offrit un poste au sein de son établissement. Un quatre-vingts pour cent au début qui pourrait s’étendre sur un temps complet à l’avenir. Le salaire était celui de base, mais au moins elle travaillerait la journée dans un endroit lié à sa passion.
Felicia sortit de la boutique heureuse. Cette journée avait été fructueuse. Certes, cumuler deux emplois allait lui laisser peu de moments libres, seulement elle s’en fichait, elle ne pouvait pas se lamenter indéfiniment sur ses malheurs. Rien ne changerait le cours de son destin.
Elle avait réalisé des calculs au cours de la petite pause déjeuner qu’elle s’était imposée et en admettant qu’il lui restait trois cent mille dollars à payer, elle pourrait verser un peu moins de mille dollars par mois durant quarante ans. Dans tous les cas, elle ne pourrait pas se permettre de rembourser une plus grosse somme, devant régler son loyer et se nourrir.
Felicia cumulait ses deux emplois depuis quatre jours et pour le moment elle tenait le rythme infernal que lui imposaient ses horaires. Elle quittait IMB chaque soir à dix-huit heures et prenait son service au Mac Burger dans la foulée, travaillant jusqu’à vingt-trois heures trente.
Un soir sur trois, elle était de corvée de fermeture, elle rentrait chez elle vers une heure du matin.
Un mois plus tard, Felicia eut des nouvelles du notaire par mail. La maison s’était vendue pour 250 000 $. Les autres biens avaient apporté 50 000 $ ramenant sa dette à 400 000 $ dollars. C’était 100 000 de plus à payer que ce qu’elle avait planifié.
À dix-neuf ans, elle était partie pour rembourser un montant dépassant l’entendement durant près de quarante ans à condition qu’elle puisse verser neuf cents dollars chaque mois. Vers soixante ans, elle serait débarrassée des dettes de ses parents. Jamais elle ne profiterait de la vie, travailler au sein d’une grande entreprise était un rêve qui s’envolait. Elle s’était vue diplômée de Utech et embauchée instantanément pour un salaire décent, mais ses illusions venaient d’être anéanties. En plus de perdre l’opportunité d’une belle carrière professionnelle, elle venait aussi de perdre la possibilité d’avoir une famille. Qui voudrait d’une jeune femme pauvre et criblée de dettes ?
23 décembre,
En cette avant veille de Noël, Felicia travaillait au Mac Burger et le calme régnait. Elle s’ennuyait, ce qui était assez rare pour être souligné. Elle avait déjà nettoyé la salle de fond en comble, récuré les sanitaires, aidé les hommes à dégraisser la cuisine, et il n’était que vingt-deux heures. Encore deux bonnes heures à tuer avant de pouvoir s’emmitoufler sous ses couvertures. Felicia était harassée et avait songé à ce moment toute la journée.
Cumuler deux emplois n’était pas de tout repos, quel autre choix avait-elle ? Chaque mois, elle gagnait la modique somme de mille six cents dollars. Une fois les charges acquittées, il ne lui restait que trois cents dollars pour manger et ravitailler sa voiture. Pour réduire les dépenses, elle n’utilisait son véhicule que les soirs de fermeture. Les autres jours, la jeune femme privilégiait les transports en commun.
Depuis les grandes baies vitrées du fast-food, elle lorgna les personnes qui s’activaient sous une pluie battante. Exceptionnellement lors de cette période festive, les boutiques de la ville fermaient leurs accès à vingt-deux heures trente, laissant du temps aux retardataires d’effectuer leurs ultimes achats de Noël. Elle constata que beaucoup attendaient le dernier moment pour s’acquitter de cette tâche. Son attention se porta sur un groupe courant à toute allure sous l’averse, se dirigeant vers le Mac Burger. Felicia se rua vers la porte et l’ouvrit, permettant ainsi aux quatre personnes de se mettre à l’abri.
Aucun d’eux ne la remercia, allant même jusqu’à l’ignorer, un fait coutumier. La jeune femme brune s’apitoya sur elle-même parce que son brushing était gâché. La seconde fille leva les yeux au ciel à cette réflexion. Ils s’avancèrent au comptoir, Felicia les talonna en assistant de loin à leur conversation.
— Tu es très bien ainsi ! annonça le plus grand des deux garçons, ébouriffant les cheveux de la brunette au passage.
— Mais arrête Ollie. T’es pas drôle !
— Moi, je trouve ça hilarant, riposta le brun qui en rajouta une couche, passant à son tour sa main sur sa longue crinière.
— Ça m’aurait étonnée de toi Tyler, tu l’encourages toujours dans ses sottises, s’amusa la blonde.
— Eh, c’est totalement faux plaisanta l’intéressé.
Tyler svelte et grand frôlait le mètre quatre-vingts. Ses yeux bleu marine apportaient une certaine profondeur à son regard, accentué par d’épais sourcils qui contrastaient avec le bas de son visage vierge de tout poil. Mi-longue, légèrement ondulée, sa crinière brune était coiffée sur un côté lui donnant un air sérieux. L’autre garçon était d’une beauté supérieure, plus au gout de Felicia. Il faisait une demi-tête de plus que son ami et sa morphologie constituait le rêve de toutes les filles. Ses larges biceps étaient moulés dans son manteau de laine et ses cuisses épaisses emplissaient son jean denim brut. Il devait passer des heures à la salle de musculation à la vue de son corps sculpté à la perfection. Celui dont aspiraient toutes les nanas accrocs aux canons de la beauté. Ses cheveux châtain foncé ni trop courts, ni trop longs, dressaient sur sa tête de façon désordonnée lui conférant un air de Bad boy. Son nez un peu de travers accentuait cette observation. Ses yeux couleur océan rehaussés de sourcils impeccablement dessinés et taillés rendaient son regard magnétique. Une barbe de trois jours, bien structurée, accentuait cet effet. Ses lèvres fines, légèrement rosées, invitaient à les gouter. Il exerçait sur Felicia une attraction dont elle avait du mal à se détacher. Elle le toisa avec envie, mais sans espoir. Après tout, un homme de cette stature ne lui était pas accessible.
Felicia attendit patiemment qu’ils cessent de se chamailler pour enregistrer leur commande. Finalement, la petite blonde interrompit leur joute verbale en annonçant son choix. Le brun alias Tyler commanda à son tour, suivi d’Ollie.
L’autre fille changea deux fois d’avis avant de valider sa décision. Ollie paya la note tandis que ses amis allèrent s’asseoir dans un box. Felicia l’observa rejoindre ses camarades puis elle expédia la numéro 120 en cuisine. Elle évita tant bien que mal de se focaliser sur le groupe bruyant. Chaque mot de leur babillage portant sur les fêtes de fin d’années et leur premier trimestre à l’université parvint à ses oreilles malgré ses efforts pour ne pas écouter.
Felicia se surprit à rêver d’être un membre de leur bande. Des amis, elle n’en avait jamais eu. Tous les enfants de son âge la trouvaient étrange et l’appelaient l’intello ou la geek. Aucun individu n’avait cherché à la connaître et c’était la plupart du temps seule qu’elle déjeunait à l’école. Si quelqu’un prenait place à ses côtés au réfectoire, c’était généralement par manque de sièges disponibles.
Personne n’avait jamais fait attention à elle. À ce jour, elle restait transparente, même ses voisins ne faisaient pas attention à elle.
Chez IMB, elle ravitaillait les rayons et lorsqu’un client avait besoin de renseignements, ils se dirigeaient automatiquement vers un collègue. Au fast-food, c’était fréquemment le rush, tout le monde était pressé de manger pour rejoindre leur domicile au plus vite. Personne n’y venait pour converser avec les serveuses. Ce soir, le restaurant était désert, mais aucun des membres de ce groupe ne lui avait adressé la parole.
Qu’est-ce qui clochait chez elle ? Elle ne se trouvait pas déplaisante ni belle, juste ordinaire. Peut-être devrait-elle troquer ses lunettes à grosse monture contre des lentilles ? Non, elle n’en avait pas les moyens. Felicia ne pouvait même pas s’autoriser un passage au coiffeur. Pourtant, raccourcir sa chevelure blonde qu’elle rassemblait au quotidien en une queue assez haute et qui lui donnait un côté strict en avait grandement besoin. Elle cessa toute réflexion une fois les burgers du groupe prêts en cuisine.
Minutieusement, elle prépara les plateaux, se concentrant pour ne rien oublier, puis elle les servit. Ollie leva les yeux sur elle et la remercia. Felicia tourna les talons lorsque la fille à la crinière brune l’interpella.
— Je n’ai pas commandé ça !
— Quoi ?
Elle se retourna confuse, certaine de ne pas s’être trompée.
— J’avais réclamé un chicken Belly !
— Non ! Non, vous aviez demandé un big Belly, s’exprima Felicia avec audace.
— Et moi, je suis persuadée que non ! Va me chercher mon chicken Belly !
La cliente empauma le burger et le balança sur Felicia, tachant son tablier de sauce avant qu’il ne s’écrase sur le sol. Ses amis restèrent cois face à son geste pour le moins inadmissible.
— Tu ramasseras plus tard ! J’ai faim et satisfaire le client est ta priorité.
— Laly ! beugla Ollie en tapant sur la table. Qu’est-ce qui te prend bordel ?
La blonde se leva et aida Felicia à ramasser les déchets.
— Elle s’est trompée. Tu ne vas pas la défendre quand même ?
— Elle ne s’est pas plantée, rétorqua la blonde en se redressant. Tu as changé je ne sais combien de fois d’avis et ton choix s’est arrêté sur le classique au bœuf !
— Sara a raison ! répéta fermement Ollie, hors de lui. Excuse-toi immédiatement, ton comportement est inadmissible !
Laly fulminait en constatant que ses amis ne la soutenaient pas, alors plutôt que de s’excuser, elle se leva et quitta le restaurant.
– Je suis désolée. Je ne sais pas ce qu’il lui arrive, ça ne lui ressemble pas s’excusa Sara à la place de Laly.
— Ce… ce n’est rien…
Felicia tourna les talons et regagna son comptoir en haussant légèrement les épaules. Elle avait déjà eu affaire à des clients mécontents, néanmoins, recevoir de la nourriture était une première et terriblement humiliant.
Après cet événement, le groupe se mura dans le silence, s’empressant d’avaler leur repas avant de déguerpir. Une fois le trio hors de sa vue, Felicia s’empara d’une éponge et désinfecta l’endroit qu’ils avaient occupé. Elle trouva un portefeuille sur la banquette. Laissant tomber le ménage, elle sortit du restaurant, tourna la tête de gauche à droite et repéra le groupe qui se dirigeait vers le bar le plus branché du centre-ville. Elle courut comme une folle sous la pluie glaciale afin de les rattraper.
— Hé ! hurla-t-elle.
Tyler l’entendit et se retourna le premier, suivi de près par les autres. Elle cessa sa course à deux mètres de la bande et leva le portefeuille. Les lumières de la ville et les nombreuses guirlandes éclairaient parfaitement les trottoirs permettant aux jeunes adultes de voir l’objet. Felicia distingua les deux garçons fouillant dans leurs poches avant qu’Ollie se presse dans sa direction.
— Vous l’aviez laissé sur… sur le siège où il a gli… glissé de votre poche. Enfin, peu… peu importe. Le… le… le voilà.
Felicia, trempée, grelottait de froid et claquait des dents hachant ainsi ses mots. Le jeune homme s’empara du portefeuille.
— Merci.
Il plissa légèrement les yeux sur son badge.
— Merci Felicia. Bon eh bien… bonne soirée et encore mille excuses pour tout à l’heure. Vous devriez rentrer, vous frissonnez.
— Ouais… ouais… je vais y aller.
— Joyeux Noël.
— Oh, je ne le fête pas. Pas cette année en tout cas.
Mais, qu’est-ce qui lui avait pris de lui raconter ça ? Ça ne le regardait pas.
— Eh bien, dans ce cas, passez une agréable soirée.
Après un sourire et un clin d’œil à son intention, il tourna les talons et courut rejoindre les autres, qui avaient continué d’avancer sans se préoccuper de lui. À son tour, elle regagna son antre où ses collègues l’attendaient. David astiquait le sol tandis que Bob se rua vers elle, lui tendant une serviette-éponge.
— Ils ne méritaient pas que tu attrapes froid après la façon dont cette idiote de Laly Larson t’a traitée ! lui asséna David en la voyant trempée et transie.
— Tu les connais ?
— Qui ne les connaît pas ? Green et Miller sont des familles très influentes ici, répondit Bob, amusé.
— Eh bien, moi apparemment ! Influentes, tu dis ?
— Oui. Les parents de Nolan Green dirigent une entreprise très bien cotée en bourse. Quant aux Miller, le père est trader et doué dans son domaine, faisant de lui un homme richissime.
— Waouh… et, celle qui m’a insultée ?
— Laly et Sarah Larson sont les filles de Charly, chef de la police et de Diane Larson, procureur de la ville.
— Oh… alors si je comprends bien, elle s’imagine au-dessus de tout parce que sa mère est procureur !
— Non… avant ce soir, Laly n’avait jamais attiré l’attention, lui expliqua Bob. Surement que ta tête ne lui revient pas. Allez, file te changer au vestiaire avant d’attraper la mort.
Elle troqua son uniforme contre sa tenue personnelle tout en repensant à son échange avec ses collègues. Ainsi, Sara et Laly étaient sœurs. Pourtant, elles ne se ressemblaient pas. L’une blonde aux mirettes bleues, petite, un corps de sportive et l’autre brune aux yeux noisette, grande et mince. Laly avait l’air fière et hautaine tandis que Sara semblait douce et charmante. Comment était-ce possible d’avoir deux enfants si diamétralement opposés ? La question resterait sans réponse. Bref, l’heure pour elle de quitter le Mac Burger arrivait et si elle ne voulait pas manquer son bus, elle ne devait pas s’attarder.
Le lendemain, elle se leva tôt pour se rendre chez IMB et une fois de plus il pleuvait. Elle détestait ce temps et encore plus depuis qu’elle vivait à Yatown. Cette météo lui faisait regretter sa ville natale et la neige qui y tombait durant l’hiver. Sa préférence allait aux flocons plutôt qu’à la pluie. La neige procurait une certaine douceur et une quiétude à l’environnement alors que la flotte rendait l’atmosphère morne et hostile.
Sa journée chez IMB se passait différemment. Le magasin n’avait pas désempli, ne lui laissant pas une minute pour souffler. En plus du réapprovisionnement, elle était sollicitée pour des conseils, ce qui lui donnait du baume au cœur.
Felicia rangeait le rayon des casques audio quand elle fut interpellée pour la énième fois. Elle releva la tête trop rapidement et la heurta sur l’étagère du dessus.
— Aïe ! s’exclama-t-elle tout en portant l’une de ses mains sur l’endroit qu’elle venait de cogner.
— Felicia ?
Nolan alias Ollie semblait surpris de la trouver là, alors que la veille, elle lui servait des hamburgers.
— Nol… Monsieur Green !
— Comment connais-tu mon nom ?
Elle se retrouva quelque peu gênée face à cette question. Encore une fois elle avait parlé trop vite.
— Hier… mes collègues me l’ont appris.
— Nolan, se présenta-t-il avec un sourire charmeur aux lèvres. Je préfère Nolan à Mr Green.
— D’accord, donc euh… Nolan. Vous avez besoin d’une information ?
— Eh bien, j’aimerais acheter un ordinateur pour mon père. Le sien est une vieille machine de guerre qui ne tourne plus très bien.
— O.K. quelle utilisation en a-t-il ?
— Bureautique essentiellement.
— Quel budget ?
Elle porta la main à son front. Quelle idiote ! L’argent coulait à flots sur son compte bancaire, bon sang !
— Aucune importance.
— Dans ce cas, j’ai exactement ce qu’il vous faut.
Sans scrupules, elle le mena au niveau des MacBook où elle lui exposa les différences entre les modèles proposés. Elle lui certifia que l’ordinateur le plus simple conviendrait à l’utilisation qu’en ferait son père.
En toute confiance, Nolan suivit ses conseils. Après s’être assurée qu’il ne souhaitait rien d’autre, elle l’escorta à la caisse.
La boutique n’avait pas connu de temps mort en cette veille de Noël et Felicia commençait à en ressentir les effets, laissant échapper un bâillement peu discret devant le jeune homme.
— Excusez-moi ! Je n’ai pas eu une minute à moi, vivement que la journée se termine.
— Tu travailles depuis ce matin ?
— Hum…
Elle scanna le code-barre du MacBook.
— Mais c’est de l’esclavage.
Felicia leva les yeux sur lui et sourit à sa réplique.
— Non… enfin si peut-être, mais je vous rassure, ce n’est pas toujours comme ça.
— Attends ! Tu bosses ici tous les jours et au Mac Burger ? Tu ne vas pas au lycée ou… à l’université ?
— Je… j’étudie à distance.
C’était sorti avant même qu’elle ne le pense et elle ne comprenait pas pourquoi elle lui mentait. Ça ne lui ressemblait pas. Elle était la première à détester les mensonges.
— Eh bien, tu es courageuse !
— Ouais…
Felicia lui tendit son achat, voulant mettre rapidement un terme à cette conversation, elle ne se risquerait pas à mentir une nouvelle fois.
— Euh… tu as prévu quelque chose pour le réveillon du Nouvel An ? J’organise une fête et j’aimerais beaucoup t’y voir.
Il nota son adresse au dos de la facture qu’elle venait d’éditer pour sa garantie.
— Ainsi, tu n’auras aucune raison de ne pas te montrer. À bientôt, Felicia, et merci pour tout.
Nolan empoigna le MacBook et quitta la boutique d’une démarche assurée alors que Felicia se liquéfiait sur place. Elle avait été conviée à une fête. La première de sa vie. Elle ne savait pas si elle allait y aller, mais dans tous les cas, cette invitation la ravissait et la rendait joyeuse. La blondinette sautilla de joie en regagnant le rayon des casques audio. Nolan Green l’ignorait, pourtant avec cette attention, il venait de lui redonner un peu de confiance en elle.
De son côté, Nolan quitta la boutique et sourit en voyant des personnes s’extasier sur sa voiture dans laquelle il roulait depuis deux ans. Une Bugatti Chiron que ses parents lui avaient offert pour son vingtième anniversaire.
Il cliqua sur le bouton de la centralisation à distance faisant ainsi reculer les personnes qui s’étaient agglutinées autour, telles de petites abeilles butinant la même fleur. Il se fraya un chemin jusqu’à la porte en offrant des bonjours et des sourires avant de s’installer derrière le volant de son bolide. Il posa l’ordinateur nouvellement acquis sur le siège passager puis fit vrombir le moteur. Cependant, il ne s’inséra pas tout de suite dans la circulation restant un moment stationné, repensant à sa rencontre avec Felicia qui ne l’avait pas laissé indifférent. Nolan espérait la revoir et désirait qu’elle assiste à la fête qu’il organisait.
Après avoir essayé une dizaine de tenues, elle avait fini par jeter son dévolu sur un pantalon de ville noir accompagné d’une blouse sans manches couleur or. Elle avait enfilé un gilet épais qu’elle retirerait une fois sur place. Pour parer au froid, elle avait revêtu son manteau de laine assorti d’une grosse écharpe. Ces derniers jours avaient été glaciaux et le vent violent n’arrangeait rien. Elle avait l’impression de braver une tempête des plus polaires.
Felicia était stressée, elle était assise dans le bus la menant chez Nolan Green, résolue à se rendre à la soirée qu’il donnait pour le Nouvel An. Elle avait délaissé sa voiture, préférant prendre le service gratuit des transports en commun que la ville mettait à disposition des fêtards pour rentrer afin de garantir leur sécurité.
Arrivés au terminus, deux kilomètres la séparaient encore de la résidence de Nolan. Felicia sortit du véhicule et referma les pans de son manteau. Elle avait si froid qu’elle engouffra ses mains dans ses poches, se maudissant d’avoir oublié ses gants. Pour tenter de se réchauffer, elle décida de marcher d’un bon pas vers sa destination, mais le vent soufflait de face, la frigorifiait et la ralentissait. Elle mit une demi-heure pour rallier la résidence Green.
Lorsqu’elle arriva devant chez Nolan, elle fut subjuguée par la splendeur de la maison, un manoir en réalité. Elle franchit le portail grand ouvert, mais s’étonna en constatant le peu de voitures dans l’allée. La fête avait peut-être été annulée. Dans ce cas, Felicia aurait l’air d’une pauvre idiote.
Elle avança sur le chemin gravillonné malgré le risque de passer pour une cruche. Seulement, l’idée de se faire des amis la séduisait. Quand elle remarqua toutes les personnes agglutinées sous le porche, attendant leur tour pour donner leur carton d’invitation, elle se sentit soulagée. Mais, elle blêmit tout aussi rapidement en constatant qu’elle ne détenait pas le sésame pour entrer. Effectivement, pour passe, elle ne disposait que la facture sur laquelle Nolan avait griffonné son adresse.
La blondinette ne se dégonfla pas et resta dans la file. Rentrer chez elle était pour l’heure impossible. Aucun bus ne pouvait la ramener et le service de taxi gratuit ne commençait qu’à minuit. Elle paniqua à l’approche de son tour. Inspirer et expirer à plusieurs reprises calmèrent les battements de son cœur qui cognaient vivement contre sa poitrine.
— Votre invitation mademoiselle, lui demanda l’homme de la sécurité.
— Je n’en ai pas.
— Votre nom alors.
— Sparks, Felicia Sparks.
Il parcourut sa liste un moment avant de redresser la tête sur elle.
— Où travaillez-vous ?
Elle ne comprenait pas en quoi cela le regardait, pourtant, elle choisit de répondre.
— Bien, je vous souhaite un bon réveillon Felicia du MB et d’IMB.
Il lui accorda un sourire sincère avant de s’écarter pour la laisser passer.
Elle resta interdite devant la vue qui s’offrait à elle. La pièce lui faisant face était gigantesque et superbement décorée. C’était encore plus majestueux que les soirées auxquelles ses parents avaient été conviés. Elle ne s’était pas attendue à cela, pensant s’amuser à une fête banale entre jeunes. Ce qui incluait beaucoup d’alcool.
— Felicia ! Heureux que tu sois venue, l’accueillit Ollie d’un ton chaleureux.
Nolan arrivait vers elle, un gigantesque sourire plaqué sur le visage, faisant briller ses yeux bleu océan de bonheur. Le trouver beau était en dessous de la vérité, les mots magnifique et charmant le désignaient plus justement. Le jeune homme était habillé d’un costume noir de créateur et d’une chemise blanche dont les trois premiers boutons étaient ouverts lui donnant un genre de mauvais garçon. Ses cheveux étaient ébouriffés comme s’il y avait passé ses doigts un million de fois.
— Laisse-moi te débarrasser de ça.
Tel un gentleman, il l’aida à retirer son manteau et son gilet. Il lui prit ensuite son bagage des mains, mais Felicia hésita à s’en libérer. D’accord, elle n’allait pas passer la soirée avec ça sur le dos, cependant elle avait bêtement pensé pouvoir le garder près d’elle.
Son ordinateur, seul objet de valeur qui lui restait de sa vie antérieure, Felicia ne souhaitait pas le laisser n’importe où au risque de se le faire voler. Il était doté d’un processeur informatique et de composants n’ayant pas encore été commercialisés. Ce qui ne surviendrait sûrement jamais puisqu’elle les avait fabriqués sur ses moments libres lorsqu’elle étudiait à l’Utech. En réalité, elle y avait peaufiné les derniers détails. Elle travaillait secrètement sur ce projet depuis ses 15 ans.
— J’aimerais le garder… je… je ne peux pas m’autoriser à le laisser n’importe où.
La curiosité de Nolan fut piquée au vif, que cachait de si précieux cette besace usée par le temps ? Toutefois, il s’abstint de commentaires quand il discerna dans son regard qu’elle n’en dirait pas plus.
— Je vais monter tout ça dans ma chambre. Je peux te promettre que là-bas il sera en sécurité, désignant le fourre-tout d’un coup de menton. L’étage est interdit. Regarde, des gardes sont postés au bas de l’escalier et ont ordre de ne laisser passer personne, hormis mes proches amis.
Elle lui tendit non sans une certaine hésitation, son sac dont il s’empara, puis il lui attrapa la main et l’amena à l’escalier.
— Je vais te montrer où se situe ma chambre. De cette façon, tu pourras reprendre tes affaires à ton départ. Je soulignerai aux gardes que tu fais partie des personnes autorisées à mettre un pied à l’étage.
Nolan ouvrit la troisième porte du couloir et déposa ses précieux objets sur la chaise du bureau tandis que Felicia resta à l’entrée, n’osant pas franchir l’intimité de sa sphère privée. Le jeune homme la rejoignit rapidement et elle le remercia de sa bienveillance. Il attrapa de nouveau sa main et l’entraîna vers l’escalier. Une fois au rez-de-chaussée, il donna ses nouvelles consignes aux gardes. Tenant toujours sa main, Nolan la guida dans la pièce où la soirée se déroulait, slalomant entre les convives, jouant des coudes jusqu’à trouver son groupe d’amis.
— Hé, vous vous souvenez de Felicia ?
Tyler hocha la tête et la salua tout en se présentant officiellement, Sara l’imita, seule Laly l’ignora.
— Elle va traîner avec nous. J’espère que ça ne dérange personne.
Tyler et Sara l’assurèrent qu’il n’y avait pas de problème.
— Laly ?
— Si notre avis t’avait préoccupé, tu nous aurais parlé d’elle.
Elle répondit sur un ton dédaigneux qui ne leur échappa pas, pourtant ça ne semblait pas non plus les interpeller. Le trio devait être habitué à ses répliques cinglantes. Felicia ne s’en offusqua pas. Elle était venue pour passer une bonne soirée et avait l’intention d’en profiter. Le groupe d’amis discuta de tout et de rien. Felicia les écouta.
Les garçons allaient à l’université de Stanford. Nolan étudiait le management tandis que Tyler apprenait l’ingénierie. D’après leur récit, ils semblaient bien plus occupés par les distractions qu’offrait le campus que par leurs études. Quant aux filles, Sara étudiait les langues à Yatown et sa sœur le droit dans une autre ville.
— Et toi Felicia ? lui demanda Tyler tout en posant une main sur son épaule.
— Ça n’a pas d’importance. Je… je vais aller me chercher une boisson au comptoir.
Ainsi, elle s’extirpa de la prise de Tyler, glissant habilement sous son bras. Elle chemina jusqu’au bar où elle s’installa sur un tabouret libre.
— Vraisemblablement, tu l’as fait fuir. Bien joué ! s’amusa Laly.
— Qu’est-ce qui ne va pas avec toi ? lui demanda Nolan en s’approchant d’elle. Pourquoi tu réagis de cette façon avec elle ? Je ne comprends pas, pesta-t-il, exaspéré.
— Je ne la sens pas, Nolan. Encore moins que toutes ces filles avec lesquelles tu t’es déjà acoquiné.
— Tu devrais arrêter avec ça. Cette jalousie. Entre toi et moi, il ne se passera jamais rien. Je ne ressens rien d’autre que de l’amitié pour toi. Tu le sais pertinemment. Tu devrais cesser ce petit jeu avant que je ne me détourne totalement de toi.
Sans attendre une quelconque réponse de sa part, Nolan s’excusa auprès de Tyler et Sara qu’il abandonna pour rejoindre la jeune femme. La jolie serveuse aux taches de rousseur n’avait fait que hanter ses pensées cette dernière semaine. Quelque chose en elle lui donnait envie de la protéger. La petite blonde à lunettes semblait fragile et forte en même temps, ce qui l’intriguait. Il devait la connaître davantage.
Il la retrouva au bar, discutant avec un jeune homme que Nolan détestait. Que faisait-il là ? Il ne l’avait pas convié ! Une personne indigne de sa confiance avait laissé entrer Marc Fowler. Pour le moment, il n’avait pas le temps de s’occuper de ça, mais tôt ou tard, le service qu’il avait embauché pour l’occasion devrait s’expliquer. À quoi servait la liste d’invités qu’il avait éditée, si personne ne la respectait ?
— Un Virgin mojito ? murmura-t-il à l’oreille de Felicia lui provoquant une chair de poule.
Elle se tourna vers lui, un sourire illuminant son teint de porcelaine.
— Green ! Tu veux bien nous laisser tranquilles ? Tu ne vois pas que nous discutons ? objecta aussitôt Marc.
— J’ai vu, mais Felicia est mon invitée. Je te suggère de déguerpir, et vite, si tu désires profiter en un seul morceau de cette soirée à laquelle tu n’as pas été convié, rétorqua-t-il d’un ton tranchant.
— Tu me menaces ?
— Moi ? Jamais ! Tu me connais Fowler, non ? répondit-il moqueur. Si tu n’as pas libéré ce siège dans trois secondes, j’appelle la sécurité, asséna Ollie avec autorité.
— C’est bon…
Marc se leva et chuchota à l’oreille de Felicia, puis de façon audible :
— Tu devrais te méfier de ce mec. Il a déjà couché avec la plupart des filles de Yatown.
— Dégage ! asséna-t-il sèchement.
Sa patience à bout, Nolan l’empoigna par sa veste de costume et le repoussa sans ménagement, détestant le voir si proche de Felicia.
— Qu’est-ce qu’il t’a dit ?
— Que je lui plaisais, répéta Felicia dans un souffle.
— Ce type est un crétin. Tu devrais te méfier de lui.
— C’est noté !
Ils passèrent le reste de la soirée à danser et à s’amuser. Cinq minutes avant minuit, Nolan monta sur un piédestal et donna un petit discours avant de faire le décompte avec les invités. Quand, les douze coups sonnèrent, un déferlement de « bonne année » se fit entendre puis vînt le tour des embrassades et des vœux.
Felicia récolta de l’attention par tout un tas de personnes qui lui étaient étrangères. Cependant, elle joua le jeu, accordant en retour les étreintes qu’elle recevait. Elle ne s’était jamais autant amusée. Nolan fonça sur elle et la serra dans ses bras. Il posa délicatement ses lèvres sur les siennes avant de l’entraîner dans un baiser passionné où leurs langues s’entremêlèrent et entamèrent une longue et interminable valse.
Nolan avait bu modérément et maitrisait totalement ses faits et gestes. Voyant que la petite blonde ne le laissait pas indifférent, son corps en réclama davantage. À la suite de ce baiser pour le moins enfiévré, il l’amena vers l’escalier tout en continuant de picorer sa bouche qui appelait à la luxure.
Felicia lui rendit chaque baiser, chaque étreinte. Elle semblait sur la même longueur d’onde. À peine arrivés dans la chambre, leurs vêtements tombèrent. Le couple se caressa longuement, se découvrant l’un l’autre. Comme Felicia l’avait pensé, Nolan s’entretenait. Il devait passer du temps à soulever de la fonte pour avoir un torse pareil. C’était une œuvre d’art à lui seul. Des pectoraux assez proéminents qu’elle adora toucher et des abdos d’acier traçant un V qu’elle cajola du bout des doigts, elle en compta six. Ses bras faisaient trois voire quatre fois la largeur des siens et Felicia se sentit minuscule à ses côtés et légèrement ébranlée à la vue de ce corps d’Apollon. Elle qui était de corpulence normale, sans le moindre muscle apparent, se demandait ce qui pouvait attirer Nolan. Ses seins, de petites tailles, emplissaient à peine les bonnets B de son soutien-gorge rembourré. Ses cuisses un peu trop épaisses à son goût ne la mettaient pas en valeur selon elle. Bien que depuis son emménagement à Yatown, elles avaient minci. Son ventre, ferme et plat, était la partie de son corps qu’elle appréciait le plus.
Les caresses redoublèrent, devinrent plus pressantes. Nolan descendit vers son intimité et la fit crier son prénom deux fois avant qu’il ne s’empare de nouveau de ses lèvres. Ivre de plaisir, elle était perdue dans une tornade d’excitation et de sensation qu’elle n’avait jamais connue, si bien que toute lucidité se déroba sous cet afflux d’émotions. Felicia croyait rêver, un jeune homme était attiré par son corps et elle avait décidé pendant le baiser de faire fi de toutes retenues.
Au diable la morale ! Elle se sentait désirée, choyée, aimée. Et cela faisait tellement longtemps qu’elle était seule. Nolan touchait des endroits que personne n’avait explorés jusqu’à présent.
Elle était excitée comme jamais, une première pour elle, et quand Nolan se présenta à l’orée de son entrée, la regardant droit dans les yeux pour demander son approbation, elle acquiesça sans hésitation. Il commença à la pénétrer délicatement, profitant de l’instant présent. Felicia se contracta alors qu’il s’enfouit plus loin en elle, mais très vite la douleur ressentie se transforma en plaisir.
Nolan, d’une douceur inouïe, l’embrassait dans le cou, sur les lèvres, la poitrine, sous l’oreille. Ses mouvements, lents et sensuels, faisaient monter la pression. Il prenait son temps, s’alanguissant de ce moment, savourant la finesse de sa peau contre la sienne et la moiteur de son fourreau dans lequel son membre se branlait avec délectation. Felicia était plongée dans une myriade de sensations exquises, le frottement de son sexe contre sa petite perle l’approchait d’un précipice vertigineux tant attendu. Il accéléra le mouvement quand il sentit sa partenaire au bord de l’explosion. Il redoubla d’efforts, la martelant plus durement, il voulait quelque part la posséder. Puis ce fut la déflagration, pour l’un comme pour l’autre, ils jouirent ensemble. Ollie l’embrassa un moment encore avant de se retirer à contrecœur. Felicia redescendit de son nuage aussitôt que Nolan s’écarta et quitta la chaleur de son corps. Elle se redressa et constata qu’il ôtait le préservatif souillé de son innocence.
— Tu… tu étais vierge ? Bon sang, Felicia ! Pourquoi tu ne m’as rien dit ?
Ça n’était pas la première fois qu’il s’emparait de la pureté d’une fille et jusque-là, cela ne l’avait jamais dérangé. En effet, il avait systématiquement mis les choses aux clairs avec elles, les ayant toujours prévenues sur ce qu’il attendait. À savoir, cela ne l’engageait à rien et elles étaient averties. À cet instant, de nouvelles émotions le traversaient.
Felicia le bouleversait, ce qu’il ressentait à ses côtés, lui réchauffait le corps. Ses terminaisons nerveuses s’enflammaient, des frissons le parcouraient sous son toucher, d’ailleurs cette nuit pour la toute première fois, Nolan avait fait l’amour. Avec ses autres partenaires, la tendresse ne trouvait pas sa place dans leurs échanges. Maintenant qu’il prenait conscience de sa virginité, il aurait souhaité revenir en arrière pour prendre encore plus son temps. Nolan alla jeter le préservatif, se nettoya sommairement avant de retourner dans la chambre où il découvrit Felicia vêtue de son haut et d’une culotte. Il passa son boxer à son tour, non pas qu’il était gêné de sa nudité, mais par respect pour elle qui se montrait intimidée.
— Pourquoi tu ne m’as rien dit ? Si tu m’avais averti, j’aurais rendu ce moment exceptionnel.
— Je… j’ai trouvé ça très bien. C’était même au-delà de mes espérances pour ma première fois.
Elle se sentait embarrassée tout à coup. Nolan la troublait. Il la regardait si sérieusement que l’impression d’avoir fait ou prononcé une bêtise l’effleura.
— C’était très bien aussi pour moi.
Il attrapa ses mains, s’avança vers elle, l’embrassa et s’allongea sur son corps sans cesser de la cajoler de ses lèvres et de ses tendresses. Pris dans la passion, il ne put résister à l’honorer une fois de plus, encouragé par Felicia qui le surprit par son envie. Cette fois, Nolan s’attarda sur toutes les parties de son corps les chérissant de délicats baisers.
Repu et heureux, après ses ébats, Nolan câlina Felicia au creux de son bras et lui caressa les cheveux machinalement. Elle effleura ses pectoraux et y dessina des arabesques. Felicia se croyait dans un rêve, elle reposait sur un petit nuage bien agréable, un refuge qu’elle ne désirait plus quitter. Ensemble, ils s’endormirent paisiblement.
La pluie qui s’abattait sur les fenêtres les réveilla au petit matin. Nolan ouvrit les yeux et déposa un baiser affectueux sur la nuque de la jeune fille qui avait occupé son lit le reste de la nuit. Il n’en revenait pas de l’avoir laissée dormir avec lui. C’était une première. Aucune demoiselle n’avait été autorisée à sommeiller à ses côtés. Nolan les congédiait toujours après avoir bien profité d’elles. Cette fois, c’était différent, il sentait jusque dans ses tripes que Felicia Sparks était bien plus qu’une fille de passage. Elle éveillait en lui une passion qu’il n’avait jamais connue. Il voulait la revoir et s’enivrer d’elle jusqu’à ce que le feu qu’elle avait déclenché en lui s’éteigne.
Felicia se retourna et lui offrit un petit sourire avant de lui chuchoter un bonjour auquel il répondit d’un baiser sur ses lèvres.
— Tu as bien dormi ? lui demanda-t-il.
— Oui, ton lit est confortable, rit-elle.
Il rigola à son tour et embrassa le bout de son nez avant d’enfouir son visage dans sa nuque.
— Je n’ai pas envie de quitter le lit, lui confia-t-il à l’oreille ne voulant pas mettre un terme à leur moment.
— Moi non plus, pourtant je vais devoir rentrer chez moi. On… pourrait se revoir ce soir ? Enfin si tu le désires, je ne veux pas te forcer la main.
Il plongea son regard dans le sien et lui sourit.
— J’adorerais ça. J’en ai envie. Je veux te connaitre davantage.
Les amants se câlinèrent un moment tout en discutant. Puis ils finirent par quitter le lit et se déplacèrent jusqu’à la douche.
Avant de descendre, la blondinette rassembla ses affaires. Elle suivit Nolan jusqu’à la cuisine où ils trouvèrent Laly attablée, une tasse de café noir fumant devant elle. Elle pivota sur eux à leur approche.
— Salut, Laly, les autres ne sont pas levés ?
— Non, mais ça tombe bien, car je dois te parler… d’elle !
Elle tourna la tête vers Felicia restée légèrement en retrait.
— Laly ! Ce qu’il y a entre Felicia et moi ne te regarde pas, protesta-t-il.
— Je le sais. En revanche, je me demande ce que ta mère penserait si elle venait à apprendre que tu t’es énamouré d’une fille du Meadow ?
— Arrête ! Ta jalousie embrume ton cerveau, tu racontes n’importe quoi ! Felicia ne vit pas là-bas. Regarde-la ! Regarde ses vêtements ! Dis-lui, Felicia.
Felicia recula d’un pas, effarée par le comportement inadmissible de Nolan et blessée par son dédain.
— Tu vois, elle ne se défend même pas. Tiens, constate par toi-même !
Elle jeta sur la table une carte de bus que Nolan attrapa. Il leva les yeux sur Felicia.
— Cette carte t’appartient ?
— Évidemment que c’est la sienne, c’est inscrit dessus.
— Laly ! C’est à elle que je parle. Felicia ? Est-ce à toi ?
— Son silence en dit long, ricana Laly. Et tes fringues ? Tu les as volés ?
— Felicia ? Tu les as volés ?
Il hurla subitement, en colère de s’être fait duper. Cette fille était une voleuse et une croqueuse de diamants ! Il ne voyait pas d’autre explication. Elle portait une tenue signée d’un grand créateur. Vu où elle logeait, impossible qu’elle puisse acheter ne serait-ce que l’écharpe qu’elle serrait dans sa main même si celle-ci venait de son ancienne vie. Il ne pouvait pas le savoir, mais cela rendait cette scène encore plus triste, plus cruelle pour Felicia. Le jeune homme avança vers elle et lui arracha son sac des mains.
— Que caches-tu là-dedans ?
Felicia sortit de sa léthargie.
— Rends-le-moi, Nolan ! Tu… tu n’as pas le droit de fouiner dans mes affaires.
— Elle a raison, Nolan. Tu as couché avec elle, mais tu n’as pas acquis le privilège de fouiller ni de la traiter de cette manière.
Sara, fâchée par la situation, entra dans la cuisine, empoigna d’un geste rageur le sac des mains de Nolan qu’elle restitua à Felicia dont le regard s’était brouillé de larmes. Elle ne comprenait pas leur comportement. Elle ne roulait pas sur l’or, et alors ? Personne ne méritait d’être considéré de la sorte, comme une criminelle.
La jeune fille serra le sac contre sa poitrine puis quitta la résidence en trombe, voulant mettre le plus de distance possible entre Nolan et elle, n’ayant pas saisi sa réaction.
Nolan fixa un moment l’endroit où elle avait été avant de s’asseoir face à Laly. Il n’eut pas le temps de prononcer un mot que sa petite sœur entra dans la pièce à son tour.
— Je peux savoir pourquoi je viens de voir une jolie fille quitter la maison comme une tornade et en pleurs ? Non, ne me dîtes rien. Nolan a encore brisé un cœur.
— En supposant qu’elle en ait un, ricana Laly.
Terry s’approcha de la table et avisa la carte posée sur le coin du meuble. Elle la regarda avant de s’en emparer et de hurler sur son frère.
— Tu n’es qu’un sombre crétin.
Sans se retourner, elle quitta la cuisine et s’élança en direction du garage. Elle monta dans sa voiture et la manœuvra pour la sortir, résistant à l’envie d’accrocher le bijou de son idiot de frère. Cependant, le désir de démolir sa Bugatti Chiron la démangeait toujours.
Quelques mètres suffirent avant qu’elle ne tombe sur la jeune fille, déjà mouillée de la tête aux pieds. Terry s’arrêta à sa hauteur puis descendit de la voiture.
— Felicia ?
La blondinette trempée comme une soupe se retourna sur la petite brune qui l’interpella.
— Tu as oublié ça.
Terry lui rendit sa carte de bus.
— Tu devrais monter.
Elle montra l’auto garée sur le bas-côté, mais Felicia pris le document puis l’ignora, continuant son chemin. Terry lui emboîta le pas et la stoppa, posant une main sur son épaule. Elle se sentait coupable à la place de son frère alors qu’elle n’était responsable de rien. Elle ressentait un grand élan de sympathie pour la jeune fille en face d’elle.
— Écoute, je sais que tu ne me connais pas et que tu n’as aucune raison de me faire confiance après l’humiliation que tu as dû subir de la part de mon frère et ses amies. Aujourd’hui, les bus ne circulent pas, de même que les taxis et retourner chez toi à pied va te prendre au moins trois heures. En plus, la tempête risque de s’intensifier. Allez, viens.
Felicia haussa simplement les épaules, se moquant totalement de marcher tout ce temps pour rallier son domicile. Elle ne voulait même pas rentrer. Mourir et rejoindre ses parents, voilà ses souhaits. Adieu les soucis en mettant fin à ses jours. Elle ne manquerait à personne.
— S’il te plaît Felicia, laisse-moi te raccompagner, insista la sœur de Nolan.
— Tu ne crains pas que tes parents te déshéritent pour être venus en aide à une pauvre fille comme moi ? De plus, je vis dans le Meadow, faisant de moi une pestiférée dans votre milieu si j’ai bien compris, ironisa-t-elle.
— Je me fiche de ce que pense mes parents. Je ne suis pas comme mon frère. S’il te plaît, suis-moi.
Terry attrapa sa main et la tira jusqu’au véhicule, la poussant quasiment sur le siège passager. Elle claqua la portière et contourna la voiture avec empressement pour se mettre à l’abri.
— Merde ! Nous voilà trempées comme si l’on sortait de la douche.
Terry se marra à ce constat, entraînant Felicia avec elle.
— Pour infos, je préfère te voir rire.
Felicia la regarda avec attention, elle lui sembla sincère. Seulement aujourd’hui, son lot de désillusions dépassait l’entendement ne lui donnant pas l’envie d’en risquer une autre.
Le trajet se fit en silence. Felicia contemplait par la vitre la tempête qui se déchaînait tandis que Terry restait concentrée sur sa conduite. Elle s’arrêta à l’entrée du bivouac une fois arrivée dans le Meadow.
— Alors, lequel est le tien ?
— Je peux descendre ici. Merci de m’avoir raccompagnée euh…
— Terry, Terry Green.
Elle lui présenta sa main que Felicia serra dans la sienne.
— Donc ? Lequel ?
— Le bleu là-bas dans le fond.
— Oh ! Tu n’habites pas très loin de chez Robin. Le sien, c’est celui recouvert de planches.
— Robin ?
— Robin, mon petit ami. Celui chez qui j’ai passé la soirée après avoir menti à mes parents.
Terry lui adressa un clin d’œil avant d’engager la voiture sur le chemin.
— Merci de m’avoir raccompagnée. J’espère que tu n’auras pas de problème par ma faute.
— Aucun souci. Et Felicia, je ne te connais pas, mais tu mérites mieux que mon crétin de frère.
— Merci.
Felicia posa sa main sur l’ouverture de la portière, mais Terry la retint.
— Tiens, c’est mon numéro. Appelle-moi si tu as besoin.
Dès qu’elle sortit de l’habitacle, elle se rua sur la terrasse, s’abritant jusqu’à ce que la voiture de Terry disparaisse de son champ de vision. De retour chez elle, elle vérifia en premier lieu son ordinateur, s’assurant qu’il n’avait pas pris l’humidité. Tranquillisée, elle s’écroula sur le canapé et sanglota. Qu’avait-elle fait pour mériter cette vie ?
***
Nolan tournait comme en lion en cage dans sa chambre, pas fier de la façon dont il avait agi avec Felicia. La traiter de cette manière était humiliant et immoral. Il avait laissé la colère dicter ses actes.
Il était encore dérouté par ces révélations et attristé de ce constat. La fille, avec laquelle il avait envisagé une relation, vivait dans la partie de la ville la plus pauvre. Le Meadow. Il était anéanti. Qu’importent ses sentiments, il ne pouvait pas fréquenter ce genre de fille, que ce soit sur le plan amical ou amoureux. C’était impossible.
S’il s’engageait sur ce terrain, il pouvait dire adieu à son entourage proche, et Nolan ne ferait jamais passer sa famille avant une fille. Le jeune homme appréciait et respectait trop ses parents pour leur faire honte. D’ailleurs, il espérait que sa cadette leur tairait cette aventure. Quand Terry s’était saisie de la carte de transport, le dégoût affiché sur son minois avait suffi à lui faire comprendre combien elle le méprisait.
Il se dirigea jusqu’à la fenêtre de sa chambre et jaugea la voiture de sa petite sœur qui remontait l’allée. Il quitta son poste d’observation, surgissant au rez-de-chaussée pour la cueillir à la sortie du garage.
— Terry ! D’où tu viens ? Tu es trempée.
Il voulait à tout prix lui parler, mais en voyant ses vêtements noyés, la conversation attendrait. Sa sœur n’allait pas attraper une pneumonie pour une mise au point qui pouvait attendre quelques minutes de plus.
— Tu vas rire, j’ai oublié que nous étions le Premier de l’an. Je suis allée à la boulangerie, car je désirais ces viennoiseries françaises. Bref… je vais me changer.
Terry passa devant lui et monta rapidement à l’étage, l’ignorant. Elle poussa le mitigeur de la douche sur une température élevée, mais supportable de façon à se réchauffer. Elle revêtit ensuite un pyjama confortable pour la journée cocooning qu’elle avait prévue.
— Terry ? Je peux entrer ?
— Que me veux-tu ?
— Je… ne dis rien aux parents d’accord ? Au sujet de Felicia, c’était une erreur. Juste un moment d’égarement. De plus, j’avais un peu trop bu et… tu sais ce que c’est, non ?
Terry s’amusa de ses horribles explications le trouvant pathétique et idiot à souhait. Comment pouvait-il encore s’inquiéter de l’opinion de leurs parents ? À vingt-trois ans, son ainé agissait comme un ado croyant leur être redevable pour tout, incluant sa vie sentimentale.
— Ne t’en fais pas. Je ne dirais rien. Oh et juste à titre de renseignement, cette fille ne te mérite pas, mais alors vraiment pas, tu es trop bien pour elle, mon frère chéri.
Sa sœur claqua la porte et la verrouilla avant de s’installer sur son lit pour une journée cocooning.
j'espère que c'est quatre premiers chapitres vous donneront envie de découvrir la suite des aventures de Felicia et Nolan.
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